dimanche 28 novembre 2010

La Fidélité de l'armée portant des enseignes sur un denier de Géta (Rome, 211)

Cette monnaie de Géta Auguste date de 211 et du court règne conjoint des deux frères. Elle fait partie d'une émission spéciale célébrant les victoires de la campagne britannique. Les empereurs ont signé une trêve avec les Calédoniens et sont rentrés à Rome. Au revers est représentée Fides Exercitum, la Fidélité des armées, portant des enseignes. La signification de l'image est renforcée par la légende FID EXERC.


n° G6

Dénomination: Denier

Empereur: Géta

Avers: P SEPT GETA PIVS - AVG BRIT - Tête laurée à droite.

Revers: FID EXERC TR P III - COS II - Fides debout de face, tête à gauche, tenant une enseigne plantée verticalement dans le sol et une aigle légionnaire transversalement; derrière elle à droite, une deuxième aigle légionnaire fichée au sol.

Atelier (année de frappe): Rome (211)

Références: RSC 50a (55£) - RIC 74A (R) - BMC G116-7 - Hill 1241 (R4) - BnF 7023

Caractéristiques: Argent, 20mm, 3.01g, 1h. - Ex. CGF Monnaies XXI

Note: cet exemplaire est illustré dans le livre "Les monnaies romaines" de L. Schmitt et M. Prieur au n°2849

Commentaire:

La Fidélité des armées apparait sur le monnayagede Géta au moment où il en a le plus besoin. Les deux frères règnent en effet ensemble et leur rivalité atteint son paroxysme après la mort de Septime Sévère qui était garant d'une certaine unité du pouvoir, malgré une direction tricéphale depuis 209. La personnification qui est représentée ici n'est donc pas la déesse Fides qui a un temple sur le Capitole, mais est plutôt un symbole de la fidélité et du soutien des soldats à son général en chef. Dans la même émission, Caracalla préfère mettre en avant l'un des dieux tutélaires de Lepcis Magna, cité d'origine du père et tout récent dieu, Septime Sévère.
Il est très difficile de distinguer précisément les détails des enseignes (signa militaria) sur ces deniers de Géta. Certaines semblent être surmontées d'une aigle légionnaire et on peut constater qu'il y a une certaine liberté dans les représentations. L'enseigne de cohorte, manipule ou centurie, comme le vexillum de cavalerie ou l'aigle de la légion, est très souvent représentée sur les reliefs mettant en scène l'armée. Elle symbolise l'unité concernée et est constituée d'une hampe sur laquelle est fixée différents ornements métalliques: phalères (disques parfois ornés), croissants, globes, couronnes de chênes, pendeloques, etc. Son but est avant tout tactique, car sa forme lui permet d'être vue de loin par les hommes et elle sert donc de point de ralliement durant les phases de combat. Les ordres militaires font souvent référence aux enseignes comme "signa inferre !" qui signifie "en avant !" ("à l'attaque !"). Elle peut aussi avoir une fonction religieuse si une divinité est accrochée à son sommet. Elle est portée par un porte-enseigne (signifer) revêtu d'une peau d'ours ou de loup. Lorsque les unités sont à l'arrêt dans un campement, elles sont plantées dans le sol et on peut voir sur la monnaie à la base de l'enseigne un système de cran d'arrêt évitant qu'elle soit fichée trop profondément dans le sol.


Relief de l'arc de Constantin (face sud) à Rome datant de l'époque de Marc Aurèle: l'empereur interrogeant un prisonnier germain. A l'arrière des enseignes.



Détails des enseignes sur le relief ci-dessus de l'arc de Constantin.

vendredi 12 novembre 2010

La mort de Julia Domna: un paon sur un denier de l'impératrice divinisée

Au droit de ce denier on observe le seul buste voilé de l'impératrice pour cette dénomination. Elle apparaît ainsi divinisée à l'égale de Junon ou de Vesta qui portent souvent un voile. Au revers, le paon, oiseau-emblème de Junon fait la roue, attitude impressionnante qui met en valeur la beauté et les couleurs de l'animal qui est lié à la légende du géant Argus. Le paon est un oiseau qui a été très tôt ramené d'Inde, car il impressionnait les Anciens. En effet, l'oiseau mue et perd donc ses plumes qui se regénèrent ensuite. Il devient ainsi symbole d'immortalité et donc de l'apothéose des impératrices. On le retouve donc sur les monnaies des princesses divinisées, emportant parfois dans les cieux l'âme de la défunte.


n° J37

Dénomination: Denier

Empereur: Elagabale

Avers: DIVA IVLIA - AVGVSTA - Buste voilé, drapé à droite de Julia Domna.

Revers: CONSECRATIO - Paon marchant à gauche, faisant la roue.

Atelier (année de frappe): Rome (218)

Références: RSC 24 (350£) - RIC 395 & Sev. Alex. 715 (R2) - BMC Elag. 9 - BnF 6583

Caractéristiques: Argent, 19mm, 2.21g, 12h. - Ex. FAC

Commentaire:

Julia Domna ne survécut pas longtemps à la mort de son fils ainé Caracalla. Elle souffrait en effet d'un cancer du sein et a peut-être mis fin à ses jours afin d'abrégrer ses souffrances. Voici ce que dit Dion Cassius :
"Julia [...] se trouvait à Antioche ; lorsqu'elle apprit sa mort, elle fut tellement affectée sur le moment qu'elle se frappa avec force la poitrine et essaya de se laisser mourir de faim. [...] [lorsqu'elle apprit les discours qu'on tenait à Rome sur son fils,] elle n'eut plus d'amour pour la vie ; déjà pour ainsi dire, rongée par le cancer qu'elle avait au sein, cancer qui, resté fort longtemps presque stationnaire, avait été alors irrité par les coups qu'elle se donna en se frappant la poitrine à l'occasion de la mort de son fils, elle se laissa mourir de faim. Après s'être élevée si haut, malgré son origine plébéienne, après avoir, pendant le règne de son mari, mené une vie remplie de douleurs par Plautianus, après avoir vu le plus jeune de ses deux fils égorgé dans ses bras, avoir haï l'aîné tant qu'il vécut, et avoir appris la manière dont il avait été tué, elle tomba vivante du pouvoir et elle se donna la mort [...] Voilà quel fut le sort de Julia ; son corps, rapporté à Rome, fut déposé dans le monument de Caius et de Lucius ; plus tard, néanmoins, ses os, ainsi que ceux de Géta, furent transférés, par les soins de Maesa, sa soeur, dans l'enceinte consacrée à Antonin."
Hérodien retient également la thèse du suicide, sans évoquer cependant la maladie : "Cependant Macrin, après avoir livré aux flammes le corps d'Antonin, envoya ses cendres renfermées dans une urne, à sa mère Julia, alors à Antioche, afin qu'elle pût lui rendre les honneurs de la sépulture. Cette princesse à qui deux assassinats avaient ravi ses deux fils, cédant à son désespoir ou obéissant à quelque ordre secret, se donna la mort. "

Ce denier a donc été frappé après la mort de Julia Domna en 217. Cette monnaie est une histoire de famille... Il a certainement été émis en 218 sous le règne de son petit-neveu Elagabale, fils de sa nièce Julia Soaemias et petit-fils de sa soeur Julia Maesa qui apparaissent aussi toutes deux sur des monnaies. Le RIC classe cette monnaie plutôt sous le règne suivant de Sévère Alexandre cousin d'Elagabale, fils de Julia Mamaea, soeur de Soaemias. Ces deux jeunes empereurs sont les derniers de la famille des Sévères, même s'ils sont en réalité de la lignée syrienne de Bassianus.


Arbre généalogique des Sévères

vendredi 5 novembre 2010

Vénus et des captifs sur un antoninien

Tous les antoniniens de Caracalla sont datés par la présence au revers du nombre de puissances tribuniciennes, sauf pour deux types: Vénus debout portant une Victoriola et Vénus debout entre deux captifs portant un casque. Dans les deux cas, elle tient également un sceptre long et s'appuie sur un bouclier. Hill place ces deux monnaies dans une même émission en 216. Ce type est plus rare que celui avec Vénus portant la Victoire (2.37% du total des antoniniens de Caracalla contre 16.58% selon une étude statistique réalisée sur 591 antoniniens pointés). Le trésor de Marcianopolis (Réka-Devnia) qui est le plus gros trésor sur la période en recense 8 contre 33 pour le type plus courant, ce qui représente une proportion plus importante que sur mon comptage. Sans être rare, ce type fait malgré tout partie des antoniniens peu communs. Ce type aurait été précédé un peu plus tôt (en 215 selon Hill), comme la Vénus sans les captifs, d'un type avec la légende au datif: VENERI VICTRICI. Retrouvé à deux exemplaires (sur 176) par Mouchmov dans le trésor de Marcianopolis, il n'a pas été observé dans mon recensement de 591 monnaies (BM, BnF, ventes aux enchères, boutiques sur internet).


n° C54

Dénomination: Antonionien

Empereur: Caracalla

Avers: ANTONINVS PIVS AVG GERM - Buste radié à droite, drapé et cuirassé vu de l'arrière.

Revers: VENVS VICTRIX - Vénus debout à gauche, tenant un casque de la main droite et un sceptre long de la gauche, son coude gauche appuyé sur un bouclier; deux captifs assis de part et d'autre.

Atelier (année de frappe): Rome (216)

Références: RSC 612b var. (65£) - RIC 312c var. (S) - BMC 86 var. - Hill 1521 (R) - BnF 6961

Caractéristiques: Argent, 22mm, 4.89g, 5h. - Ex. Gorny & Mosch Auktion 170 n°2471

Note: Le RSC recense comme le RIC une variante avec un buste cuirassé (RSC 612, RIC 312b) et drapé (RSC 612a, RIC 312a). Sur cet exemplaire, il est drapé et cuirassé comme sur celui du British Museum (BMC 86), mais dans cette collection on voit au revers que le bouclier écrase le captif de droite (RSC 612b, RIC 312c). Il n'y a peut-être pas lieu de distinguer cette variante.

Commentaire:

Les deux captifs sont représentés dans l'attitude de la tristesse et non attachés dans le dos comme on a l'habitude de les voir de part et d'autre d'un trophée par exemple. Ici, le trophée est remplacé par Vénus, mais en compagnie d'éléments composant habituellement ce genre de représentation, un casque et un bouclier. En empruntant les attributs de son mari Mars, dieu de la guerre, la déesse de l'amour s'est transformée en guerrière. Cette monnaie illustre en fait le projet raté de mariage de Caracalla avec la fille du roi des rois parthe et qui se transforme en expédition militaire.