dimanche 27 mars 2011

Julia Domna, la Mère des Camps portant un phénix - Denier de Rome, 197

Le titre de Mater Castrorvm avait été accordé à Julia Domna en 197, comme avant elle à Faustine II, parce qu'elle avait été la compagne fidèle de son empereur de mari durant les campagnes militaires du début de son règne. Elle l'avait en effet suivi dans les camps légionnaires au gré des batailles. Cette "Mère des Camps" est aussi la mère de deux garçons dont l'un, Caracalla, est déjà César en 197. Mais il ne s'agit pas du seul titre qui sera porté par l'impératrice, Augusta depuis 194. Elle sera en 211, et de manière inédite et même osée, mère du Sénat et mère de la Patrie, ce qui fait d'elle une des femmes de l'Antiquité de tout premier plan. Son influence sur ses hommes, les empereurs Septime Sévère puis son fils Caracalla, était importante et elle devait très certainement pouvoir signer des décrets en leur absence. On dit aussi qu'elle s'était entourée d'une cour d'écrivains et de philosophes, mais la liste établie par les historiens du XIXème siècle est certainement hypothétique. Sur ce denier, est également montrée son importance militaire ce qui est exceptionnel pour une impératrice. En effet, les enseignes devant elle sont un symbole militaire évident. De même, le sceptre symbolise sa majesté divine et le phénix est un symbole d'éternité comme sur les monnaies des deux divines Faustine. Les monnaies ne sont pas les seuls éléments faisant référence à ce titre de "Mère des Camps". Une inscription a aussi été retrouvée sur une base de statue de l'impératrice qui devait s'élever sur la Via Sacra.


n° J34

Dénomination: Denier

Impératrice: Julia Domna

Avers: IVLIA - AVGVSTA - Buste drapé de Julia Domna à droite.

Revers: MATRI - CASTR[ORVM] - Julia Domna, voilée, drapée, assise à gauche sur un trône, tenant un phénix sur un globe de la main droite et un sceptre de la gauche: devant elle à gauche, deux enseignes.

Atelier (année de frappe): Rome (197)

Références: RSC 131 (65£) - RIC 568 (S) - BMC S58-59 - Hill 298 (R2) - BnF 6626

Caractéristiques: Argent, 16mm, 2.6g, 6h - Ex. Monnaies d'Antan VSO 4


Note: Le flan court de cette monnaie est caractéristique des frappes de l'atelier romain à cette période.

Commentaire:

Le type de Julia Domna reprend intégralement celui initié pour la divine Faustine, femme de Marc Aurèle, morte dans un camp légionnaire durant une campagne de l'empereur philosophe. Comme sur la monnaie de Domna, on trouve dans les mains de Faustine II un globe surmonté d'un oiseau fabuleux : le phénix.


Denier de Faustine II (NAC Auction 38, Lot 79)

Le phénix est cet oiseau légendaire (pour Hérodote l'oiseau était un animal réel) des mythes orientaux et égyptiens dont on pensait qu'il pouvait renaitre après s'être consumé. En effet, quand sa vie arrivait à son terme, il s'enflammait et se consumait lui-même sur un bûcher et son successeur sortait de ses cendres (il n'existait qu'un seul phénix à la fois). Le premier acte du nouvel oiseau était de donner une sépulture aux restes de son parent sur l'autel du temple du Soleil. Il symbolise ainsi le cycle continu du renouvellement de la vie et est donc un symbole d'Aeternitas. On peut aussi par extension dire qu'il représente la piété envers le géniteur, transmise d'une génération à l'autre. Enfin, au niveau impérial il signifie la continuité du pouvoir et de l'empire, un empereur succédant à celui qui venait de décéder.


Détail de la mosaïque du phénix (vers 500 ap. J.-C.) en provenance de Daphné près d'Antioche sur l'Oronte (Musée du Louvre - Photo Wikipédia-Clio20)

On trouve une représentation similaire du phénix de la mosaïque du Louvre sur des revers de monnaies du IVème siècle comme sur cette demi-maiorina de Constans. Sous le dominat, le phénix ne désigne plus simplement l'éternité de l'Empire, mais aussi celles des princes qui sont placés au rang des dieux. Le phénix est aussi l'espoir que des temps meilleurs arrivent après la crise du IIIème siècle.


Demi-maiorina de Constans (CGB)

dimanche 13 mars 2011

La victoire parthique sur un antoninien et son imitation en 217

Ces deux antoniniens font partie de la dernière émission de 217 peu avant la mort de l'empereur assassiné près de Carrhes. Cette émission spéciale célèbre la victoire sur les Parthes (au revers: Victoire assise et VIC PART à l'exergue) et les Vicennalia de l'empereur (VO XX inscrit sur le bouclier tenu par la Victoire). En effet, Caracalla est Auguste depuis son enfance en 198 et allait donc célébrer ses vingt ans de règne en 218. Les deux monnaies présentées ici sont intéressantes, car l'une est officielle en argent (titre de fin à 500 0/00) et l'autre est une imitation en bronze destinée à circuler dans les zones frontalières et périphériques de l'Empire. Ces antoniniens du "limes" comme on pourrait les appeler sont beaucoup plus rares que les deniers du "limes" dénommés ainsi par les Anglo-Saxons en référence aux fortifications le long du Rhin et du Danube aux marges de l'Empire romain. Il se peut en effet qu'à cette époque les espèces frappées à Rome arrivaient difficilement dans ces régions du haut et moyen Danube alors en plein développement économique. Afin de pallier ces problèmes d'approvisionnement en numéraire des faux étaient alors fabriqués. On remarque cependant que l'antoninien imité est de très bon style et quasiment identique à celui de l'atelier officiel. Seuls la disparition de la pellicule d'argent le recouvrant initialement et le poids plus léger permettent de distinguer le vrai du faux. Il y a néanmoins des différences dans le détail comme on pourrait en trouver d'ailleurs sur deux exemplaires officiels de coins différents: traitement de la gravure de la Victoire (les ailes en particulier ainsi que son attitude: plus active sur l'imitation car elle écrit sur le bouclier) ou du trophée, présence ou non du bouclier sous celle-ci, taille des captifs.


n° C86



n° C28

Dénomination: Antoninien

Empereur: Caracalla

Avers: ANTONINVS PIVS AVG GERM - Buste radié, drapé et cuirassé vu de l'arrière (C86), buste radié et drapé vu de l'arrière (C28).

Revers: P M TR P XX COS IIII P P // VIC PART - La Victoire assise à droite sur une cuirasse, tenant sur ses genoux un bouclier, sur lequel est inscrit VO XX ; devant elle deux captifs assis sous un trophée.

Atelier (année de frappe): C86: Rome (217) ; C28: atelier indéterminé (après 217)

Références: C86: RSC 648 (125£) - RIC 297d (S) - BMC 199 - Hill 1597 (R3) - BnF 6969-70

Caractéristiques: C86: Argent, 22mm, 4.27g, 12h - Ex: Gorny & Mosch Auction 191 n°2207 ; C28: Bronze, 22mm, 3.36g, 12h - Ex: CGB Rome XVI n°227.

Commentaire:

L'annonce de la victoire sur les Parthes arrive au moment où l'empereur s'apprête à célébrer ses vota XX soluta. Ces voeux sont effectifs l'année suivante, mais comme souvent les célébrations commencent au cours de la vingtième année. Il est certain que si l'empereur avait continué sa carrière un peu plus longtemps, il aurait certainement ajouté le titre de Parthique à sa titulature, ainsi qu'une nouvelle acclamation impériale. Le triomphe est d'ailleurs vu de bon augure pour l'accompagnement naturel de l'anniversaire (Mattingly, BMC). On verra qu'il n'en sera rien, l'empereur étant assassiné peu après cette victoire. On reviendra également lors d'un autre message sur la façon perfide dont Caracalla a vaincu les Parthes. Simplement écoutons juste Hérodien dans son livre IV (§ XXI) mentionner cette victoire: "Après avoir ainsi surpris et égorgé un peuple sans défense, il pénètre bientôt jusqu'au fond du royaume des Parthes; et quand ses soldats sont las de meurtres et de rapines, il retourne en Mésopotamie, et écrit au sénat et au peuple romain qu'il a soumis l'Orient et réduit sous son obéissance tous les rois de ces vastes contrées. Le sénat, quoique instruit de tout (car les actions des princes ne peuvent rester cachées), lui décerne cependant, par crainte et par flatterie, les honneurs du triomphe. Antonin se reposa quelque temps en Mésopotamie de la gloire de son expédition, uniquement occupé à conduire des chars et à tuer des bêtes féroces."