mardi 28 juin 2011

Des variations de bustes sur des antoniniens de Caracalla au revers avec Vénus

L'antoninien est créé par Caracalla en 215 et durant trois années jusqu'à sa mort en 217, cette nouvelle dénomination sera associée aux mêmes types de revers que sur les deniers et les espèces d'or et de bronze. La plupart des types d'antoniniens sont datés avec la suite de la titulature (en particulier la puissance tribunicienne) au revers. Le type le plus courant des antoniniens de Caracalla est par contre non daté et représente Vénus drapée tenant un sceptre et une petite statue de Victoire (Victoriola), un bouclier est également posée à côté d'elle. Le revers des antoniniens portent le portrait de l'empereur ceint de la couronne radiée, symbole solaire, et qui indique la valeur double de la pièce, l'unité étant le denier au portrait lauré. Ces bustes radiés sont, contrairement aux deniers, plus variés au niveau des attributs vestimentaires. 


n° C25



n° C78

Avers: ANTONINVS PIVS AVG GERM - Buste radié, drapé à droite, vu de l'arrière (C25) ; Buste radié cuirassé à droite, vu de l'arrière (C78).

Revers: VENVS VICTRIX - Vénus drapée debout à gauche, tenant une Victoriola de la main droite et un sceptre de la gauche; son bras gauche reposant sur un bouclier posé au sol.

Atelier (année de frappe): Rome (216)

Références: C25: RSC 608c (65£) - RIC 311d (S) - BMC 80-1 - Hill 1525 (S) ; C78: RSC 608var. - RIC / - BMC / - Hill 1525var. - BnF 6956-7;6960.

Caractéristiques: C25: Argent, 24mm, 5.49g, 11h ; C78: Argent, 23mm, 4.72g, 12h - Ex. Gorny & Mosch Auktion 186 n°2158

Note: L'antoninien C78 n'est curieusement pas présent dans les ouvrages de référence avec ce buste cuirassé, alors que trois exemplaires sont conservés à la BnF. Cela prouve le peu de précision dans la description des bustes dans les répertoires et catalogues.

Commentaire:

En 206, le portrait de Caracalla sur les deniers évolue, il abandonne les bustes drapés ou drapés cuirassés qu'il utilise depuis ses premières monnaies lorsqu'il était enfant pour le buste nu ("tête" dans le vocabulaire numismatique) utilisé par son père jusqu'à présent et de manière quasiment unique. A partir de ce moment, cette tête laurée est aussi utilisé massivement sur les deniers de Caracalla. En revanche, sur les antoniniens les bustes radiés sont habillés en utilisant la cuirasse et/ou le paludamentum, le manteau pourpre du général en chef. Plusieurs combinaisons existent en fonction de l'élément de costume utilisé et l'angle de vue à savoir depuis l'avant ou l'arrière, on a donc les bustes radiés suivants:
- cuirassé, vu de l'arrière
- cuirassé, vu de l'avant
- drapé, vu de l'arrière
- drapé et cuirassé, vu de l'arrière
- drapé et cuirassé, vu de l'avant
Le buste drapé vu de l'avant rarement utilisé en denier (on connait quelques exemplaires de deniers pour Caracalla enfant par exemple), ne l'est pas du tout pour l'antoninien. La description des bustes et portraits n'est souvent pas très bien précise et rigoureuse dans les ouvrages de référence et il y a souvent des erreurs et des oublis. Par exemple: ni Hill, ni le RIC ne mentionnent le sens de visualisation, quant au RSC, plus précis, il omet le sens de visualisation pour le portrait cuirassé et signale des monnaies avec des bustes drapés de l'avant qui n'existent pas. Le BMC, également plus rigoureux sur ce point, n'est pas exempt d'erreurs.
On constate une grande disparité sur la distribution statistique des bustes. Ainsi par exemple, le buste cuirassé de l'avant est rarissime et ne se rencontre que sur le type de Sérapis émis en 217. Le buste drapé vu de l'arrière de l'exemplaire C25 est le plus courant soit près de 35% des antoniniens tous types confondus sur un comptage de plus de 600 échantillons. Le buste cuirassé vu de l'arrière (C78) est moins courant avec moins de 15% du total. On peut noter aussi que les bustes changent au cours du temps. Ainsi ce buste cuirassé de l'arrière est uniquement utilisé durant l'année 215 et pour Vénus. Il disparait ensuite au profit du buste drapé qui domine l'année 216 et qui est lui-même doublé en 217 par le buste drapé et cuirassé vu de l'arrière. L'utilisation massive du buste drapé et marginale du buste cuirassé semblent donc accréditer la date de 216 proposée par Hill pour ce type Venvs Victrix.

dimanche 19 juin 2011

Une monnaie exceptionnelle: les Jeux du Cirque sur un denier de Caracalla

Ce type monétaire, partagé entre Septime Sévère et ses deux fils, est unique dans le monnayage romain. C'est en effet une des monnaies romaines les plus spectaculaires et les plus convoitées par les collectionneurs. Le sujet est en effet inhabituel sur les monnaies: les jeux du Cirque. De plus, la foule de détails est rare sur des objets de moins de 20mm de diamètre que sont les deniers, mais plus courants sur les grands bronzes ou les médaillons. On y voit donc un navire entouré d'animaux et de quadriges. Cet étrange iconographie relate en fait un événement historique: des festivités grandioses organisées par Septime Sévère au Circus Maximus. Cependant les chercheurs ne sont pas tous d'accord sur la date des événements relatés: les festivités de 202 suite au triomphe parthique de l'empereur, du mariage de son fils aîné avec la fille du Préfet du Prétoire et ses décennales ou bien les Jeux Séculaires de 204. Dion Cassius place plutôt ces jeux en 202: "Il y eut aussi alors des spectacles de toute sorte, à l'occasion du retour de Sévère, de la dixième année de son règne et de ses victoires. Dans ces jeux, luttèrent entre eux, au commandement, soixante sangliers appartenant à Plautianus ; on y égorgea quantité d'autres bêtes, ainsi qu'un éléphant et un crocotas ; ce dernier animal vient de l'Inde, et ce fut alors la première fois, que je sache, qu'il fut amené à Rome ; sa couleur est un mélange de celle de la lionne et de celle du tigre, sa figure est un composé tout particulier de ces animaux, du chien et du renard. La cage entière, construite dans l'amphithéâtre en forme de vaisseau, de manière à recevoir quatre cents bêtes et à les lâcher tout d'un coup, s'étant subitement ouverte, il s'en élança des ours, des lionnes, des panthères, des lions, des autruches, des onagres, des bisons (espèce de boeuf barbare de nature et d'aspect), en sorte qu'on vit courir à la fois et égorger tous les sept cents animaux, tant sauvages et domestiques ; car leur nombre, en raison des sept jours que dura la fête, se monta à sept cents." Mais il est tout à fait possible qu'il ait fait un amalgame avec les Jeux de 204. Toujours est-il que le type monétaire "colle" de façon saisissante avec le déroulement des Jeux et le récit qu'en fait Dion Cassius : sept espèces animales s'échappent du navire dans le texte et on les retrouve bien sur la monnaie: une autruche, un lion, un onagre sur la gauche, le buffle chargeant à droite avec certainement une panthère juste au-dessus. Lionne et ours sont plus difficilement discernables sous la structure navale. Hill classe cette monnaie dans une émission spéciale de 206 célébrant les quindecennalia de Sévère et les decennalia de Caracalla à venir l'année suivante.


n° C83

Dénomination: Denier

Empereur: Caracalla

Avers: ANTONINVS PIVS AVG - Tête laurée à droite.

Revers: LAETITIA // TEMPORVM - Galère voguant à gauche, entourée de quatre quadriges de course de part et d’autre et d’animaux sauvages à l’exergue qui défilent.

Atelier (année de frappe): Rome (206)

Références:  RSC 118 (225£) - RIC 157 (R3) - BMC S508 - Hill 793 (R4) - BnF 6733

Caractéristiques: Argent, 20mm, 3.3g, 7h - Ex. Coll. F. Weber.

Note: Cette monnaie est classée rarissime par tous les ouvrages, mais on trouve malgré tout des exemplaires dans les grandes collections institutionnelles ou lors de récentes grandes ventes. On peut mentionner cependant que ce denier semble plus rare que celui de son père, mais plus courant que celui de son frère cadet.

Commentaire:

La scène se déroule bien au Cirque maxime, les chars sur le haut du revers sont là pour le rappeler. Mais surtout, on distingue parfaitement bien les aménagements au centre de la piste (spina). En effet, l'obélisque central de Ramsès II sert de mât au bâteau, et à la proue et la poupe, on voit bien les metae, bornes coniques autour desquelles viraient les attelages. Entre les deux, diverses installations sont présentes, mieux visibles sur les aurei: édicules ou petits sanctuaires.


Revers d'un aureus de Caracalla (Numismatica Ars Classica)



Obélisque de Ramsès II  en provenance d'Héliopolis et qui se trouvait à partir de 10 av. J.-C. au centre de la spina du Circus Maximus. Il est installé depuis 1589 sur la piazza del Popolo à Rome.

Le Circus Maximus est installé dans la vallée murcienne entre le Palatin et l'Aventin depuis le roi étrusque Tarquin l'Ancien au VIème siècle av. J.-C. D'abord en bois, les gradins (cavea) ont ensuite été construits en maçonnerie et pouvaient contenir 150000 spectateurs, ce qui en fait le lieu de spectacle le plus vaste de tous les temps, sa capacité ayant été portée à 350000 au IVème siècle ap. J.-C. Ses dimensions étaient colossales: 600m de long et 100m de large et il n'en reste de nos jours que de rares vestiges, mais surtout son empreinte. Notons enfin que Caracalla a de nouveau émis en 213 des aurei et sesterces avec une vue détaillée du Cirque afin de célébrer un récente restauration de l'édifice.


Le Cirque Maxime aujourd'hui à Rome



Revers d'un sesterce de Caracalla émis en 213 avec une représentation du Circus Maximus (Numismatica Ars Classica)

Sur une plaque en terre cuite servant de décoration et provenant de la collection Campana au Louvre, on peut observer une course de chars. On voit très bien sur la droite les trois metae où les attelages devaient effectuer leurs virages.


Course de quadriges sur une plaque en terre cuite (Musée du Louvre, Paris)

La présentation d'un autre denier de ce type sera l'occasion de présenter un peu plus en détail les spectacles se déroulant dans ce bâtiment hors normes.

lundi 13 juin 2011

Jupiter brandit le foudre sur un denier de Septime Sévère (Rome, 208)

La seizième puissance tribunicienne inscrite au revers de ce denier le date de l'année 208 au moment du lancement de la campagne britannique. Les raisons de cette nouvelle guerre sont assez floues, certains auteurs comme Hérodien parlant de troubles: "Pendant que Sévère voyait avec indignation la conduite de ses fils et leurs goûts pour de frivoles plaisirs, il reçut une dépêche du gouvernement de la Bretagne, qui lui annonçait que les Barbares s'étaient soulevés, et que dans leurs incursions ils pillaient et dévastaient tout le pays. Le gouverneur demandait un secours de troupes ou même la présence de l'empereur." Cependant, Dion Cassius ne mentionne pas ces troubles du fait des Méates et des Calédoniens, deux peuples bretons vivant au-delà du mur d'Hadrien. Pour l'historien A. R. Birley la mention de cettre lettre n'est qu'un effet réthorique d'Hérodien. Toujours est-il qu'en 208, Septime Sévère et ses deux fils quittent Rome pour la province septentrionale de Bretagne.


n° S22

Dénomination: Denier

Empereur: Septime Sévère

Avers: SEVERVS - PIVS AVG - Tête laurée à droite.

Revers: P M TR P - X-VI COS III P P - Jupiter nu, marchant à gauche et regardant en arrière, tenant un foudre de la main droite et un sceptre de la gauche.

Atelier (année de frappe): Rome (208)

Références: RSC 501 (25£) - RIC 216 (C) - BMC 559 - Hill 988 (C) - BnF 6471-2

Caractéristiques: Argent, 19mm, 2.7g, 1h.

Commentaire:

Jupiter, dieu des dieux, brandit son foudre à la manière d'un javelot. Il est ici propugnator, c'est-à-dire le protecteur, le défenseur voire le champion et cette attitude indique clairement le début de la guerre contre les tribus bretonnes. Son sceptre est symbole de majesté, un attribut de nombreuses divinités. Il sera protecteur des empereurs pendant les combats et leur apportera la victoire.


Statue de Jupiter (Musée Pio Clementino, Vatican)

Cette monnaie fait suite à un très rare denier émis l'année précédente où Jupiter dans la même attitude est qualifié de vainqueur IOVI VIC (Iovi Victori). Cette monnaie très intéressante quant à son iconographie nous montre le premier des dieux sur un char, à la manière de l'empereur, mais combattant des géants anguipèdes, c'est-à-dire dont le corps se termine en queue de serpent. Un spectaculaire médaillon d'argent conservé à la Bibliothèque nationale de France et daté aussi de 207 reprend ce thème sur une surface plus grande. Cette gigantomachie n'apparait plus sur les émissions de 208 où Jupiter est désormais seul menaçant les ennemis de Rome de son foudre.


Denier de Septime Sévère représentant une Gigantomachie (Lanz, Auktion 112)




Médaillon de la BnF reproduit dans la deuxième édition du catalogue de H. Cohen.

Ces représentations de dieux combattant des monstres anguipèdes ont été abondamment illustrés en particulier par des sculpteurs gallo-romains. Ces groupes sculpturaux étaient placés sur des colonnes et les savants ont rapproché cette divinité à cheval du panthéon gaulois et ce monstre reptilien à Jupiter combattant les Géants.


Cavalier à l'anguipède de la colonne de Merten (Musées de la Cour d'or, Metz)