dimanche 10 novembre 2013

Une émission posthume pour Caracalla frappée par Elagabale (Rome, 218)

Cette monnaie sort du cadre temporel du règne des premiers Sévères, mais elle représente néanmoins l'empereur Caracalla divinisé après sa mort. Comme le denier de Julia Domna, l'exemplaire présenté ici a sans doute été frappé en 218 par le fils de Julia Soaemias, cousine germaine de Caracalla, empereur connu sous le nom d'Elagabale. Les deux empereurs portent le même nom, Marc Aurèle Antonin, car Julia Maesa, soeur de Julia Domna, et ses filles font passer le petit Varius Avitus Bassianus pour un fils adultérin de Caracalla, en particulier auprès des soldats de la IIIème légion Gallica stationnée près d'Emèse où l'empereur Macrin les a reléguées.
Voici ce qu'en dit Dion Cassius, il parle d'ailleurs d'Elagabale en termes de "faux-Antonin":
"Les assiégés, en effet, à force de promener sur les remparts Avitus, que déjà ils appelaient M. Aurélius Antonin, de montrer de loin, comme étant son portrait, des images de Caracalla, enfant, dont il était, disaient-ils véritablement le fils [...]"
Hérodien évoque aussi cette usurpation de paternité:
"Cette femme [Julia Maesa], les voyant dans l'admiration de son enfant, leur fit un récit supposé ou véritable : elle leur annonça « que Bassianus était fils naturel d'Antonin, quoiqu'il passât pour le fils d'un autre ; qu'Antonin avait eu commerce avec ses filles qui étaient dans l'éclat de la jeunesse et de la beauté à l'époque où elle demeurait elle-même au palais avec sa sœur. » "
L'auteur de l'Histoire Auguste qui déteste Caracalla et Elagabale va même jusqu'à faire passer cette origine comme véritable!
Les chefs de la légion acclament finalement Elagabale empereur le 15 mai 218, par fidélité à Caracalla, aimé des légionnaires, mais aussi grâce à l'or donné par les princesses syriennes. Les partisans de ces dernières battent Macrin le 8 juin, elles ont réussi à remettre un "Sévère" au pouvoir.


n° C123 

Dénomination: Denier

Empereur: Caracalla

Avers: DIVO ANTONINO MAGNO - Tête nue à droite.

Revers: CONSECRATIO - Aigle de face, tête à droite, debout sur un globe.

Atelier (année de frappe): Rome (218)

Références: RSC 32 (350£) - RIC Sev Alex 717 (R2) - BMC Elag 7-8 - BnF 6692.

Caractéristiques: Argent, 18mm, 2.63g, 12h - Ex. fonds CGB.

Note: comme pour le denier de la divine Julia Domna, ce denier est classé au RIC par Mattingly et Sydenham en 1936 sous Sévère Alexandre, ce qui est bien tardif. Plus tard, les auteurs du catalogue du British Museum attribueront ces émissions posthumes à Elagabale en 218.

Commentaire:

Cette monnaie est assez rare, Cohen la cotait même 60 Frs. Il en est de même pour les émissions d'aes. Cette rareté est expliquée par les auteurs du BMC par la détestation des sénateurs envers Caracalla. Ils pensent, à juste titre, qu'ils ont dû voter l'émission monétaire correspondante sans enthousiasme voire même avec une certaine répulsion, car il existe en effet des sesterces, donc avec marques [Ex] S[enatus] C[onsulto], avec le portrait du divin Antonin.
Attardons nous justement sur ce portrait qui fait référence à Alexandre, modèle de Caracalla. Cela est d'ailleurs renforcé par la légende de droit DIVO ANTONINO MAGNO, "au divin Antonin le Grand". La barbe est plus soignée que sur les monnaies de son règne et il est tête nue, car désormais il siège au rang des dieux. C'est Macrin qui a divinisé Caracalla afin de plaire aux partisans des Sévères, mais il n'est certainement pas l'auteur des émissions monétaires.
L'aigle de Jupiter au revers est le médiateur entre l'empereur défunt et la divinité, c'est lui qui emmène son âme auprès du dieu des dieux. Au centre du plafond de l'arc de Titus, on voit d'ailleurs ce dernier emporté dans les cieux par l'animal tutélaire de Jupiter. Cette image fait référence à la fin de la cérémonie d'apothéose où un aigle s'envole du bûcher symbolisant l'âme portée au ciel au moment de la consumation de l'enveloppe corporelle du défunt. Certaines monnaies (comme un sesterce de Marc Aurèle) montrent l'empereur sur le dos de l'oiseau.


Apothéose de Titus au plafond de l'arc de Titus (Rome)

dimanche 20 octobre 2013

La transition des styles à l'atelier de Laodicée et Cérès sur un denier de Septime Sévère

La huitième acclamation impériale est datée du début de l'été et est remplacée après le 19 février 197 par la neuvième. C'est durant ces quelques mois que le style de l'atelier de Laodicée évolue. En effet, on trouve des deniers portant la marque IMP VIII à la titulature de droit qui sont indéniablement du très caractéristique "nouveau style" et d'autres qui sont encore marqués par l'ancien style plus fruste, initié au moment de l'ouverture de l'atelier au début du règne. Le denier présenté ici relève encore de l'ancien style, mais il a déjà évolué par rapport aux premiers deniers des années 194-195 où seule la légende d'avers permet de distinguer les monnaies d'Emèse, de celles de Laodicée. Je rappelle que l'attribution de ces deux ateliers aux villes syriennes est purement conjecturelle. 
On remarquera également l'erreur du graveur dans la légende de revers, écrivant ERVGIF au lieu de FRVGIF. Ce type d'erreur, typique des premières émissions orientales, la lettre F n'existant pas dans l'alphabet grec, ne se produira plus durant la période du nouveau style. On peut penser que des graveurs latins ou du moins latinisés ont alors remplacé les graveurs de Laodicée du début du règne.


S134 

Dénomination: Denier

Empereur: Septime Sévère


Avers: L - SEPT SEV PE-RT AVG IMP VIII - Tête laurée à droite.


Revers: CERE-R ERVGIF - Cérès debout de face, tête à gauche, tenant deux épis de blé de la main droite et une longue torche de la gauche.


Atelier (année de frappe): Laodicée (196-197)


Références: RSC 68e (35£) - RIC 475note (S) - BMC W441 - BnF /


Caractéristiques: Argent, 17mm, 3.04g, 6h - Ex. fonds CGB


Commentaire:

Cérès orne aussi bien des monnaies romaines et orientales de Julia Domna que des deniers exclusivement syriens de Septime Sévère. Dans ce dernier cas, les deux ateliers d'Emèse et Laodicée ont tous deux livré des exemplaires où la déesse de l'agriculture, des moissons et de la fécondité apparaît toujours comme sur notre exemplaire debout portant des épis de blé et une longue torche. Elle partageait son temple quelque part du côté de l'Aventin avec Liber et Libera. On retrouve ainsi la triade d'Eleusis: Déméter, Dionysos et Perséphone. Il semble que le culte qui y était donné soit demeuré grec. On signalera également que le 29 mai, une fête religieuse, les ambervalia étaient données en l'honneur de la déesse. Quand on sait l'importance de la nourriture dans une ville aussi peuplée que Rome sous l'Antiquité où les famines n'étaient pas rares, il n'est pas étonnant que l'empereur se préoccupe des moissons et fasse représenter Cérès sur ses monnaies.
Sur ses statues, Cérès porte fréquemment, outre les épis de blé et la torche, des pavots, symboles du sommeil qu'opère la Nature durant les mois d'hiver lorsque sa fille Proserpine rejoint son mari Pluton aux Enfers.

  
Statue de Cérès portant des épis de blé, des pavots et une torche (Musée du Louvre, Paris)

dimanche 29 septembre 2013

Moneta sur un denier de Septime Sévère à Laodicée

Moneta est une personnification de la Monnaie et symbolise aussi l'atelier monétaire qui a frappé le denier dont elle orne le revers. Ce denier a ainsi été frappé pour rendre hommage à l'atelier de Laodicée, ville syrienne qui s'est ralliée à Septime Sévère lors de la guerre civile, conséquence de la lutte de pouvoir entre différents compétiteurs à la mort de Pertinax en 193. Laodicée a ainsi été promue par le nouvel empereur, sorti gagnant du conflit, afin de récompenser sa fidélité au détriment d'Antioche qui avait soutenu son rival malheureux Pescennius Niger. La capitale de la province de Syrie est ainsi rétrogradée au profit de Laodicea ad Mare qui devient capitale (néanmoins pour une courte période) de la nouvelle province de Syrie Coelé. Antioche ne frappera donc jamais de monnaies impériales pour Septime Sévère ou ses fils, contrairement à Laodicée dont l'atelier fonctionnera jusqu'en 202. Ce dernier ne frappera néanmoins pas d'aes, mais des dénominations en métal précieux. En effet, deniers et aurei sont majoritairement destinées aux légionnaires, la population des provinces orientales utilisant plutôt les monnaies dites provinciales, à légendes grecques, frappées par les cités. Notons enfin que le rôle de l'atelier syrien a été important lors de la campagne parthique de 198 afin de payer les troupes engagées dans le conflit. La titulature fait d'ailleurs référence au titre de Grand Parthique obtenu par l'empereur lors de cette campagne.


n° S115

Dénomination: Denier

Empereur: Septime Sévère

Avers: L - SEPT SEV [A]VG IMP XI PART MAX - Tête laurée à droite.

Revers: MONETA - AVGG - Moneta assise à gauche, tenant dans sa main droite une balance et une corne d'abondance de la gauche.

Atelier (année de frappe): Laodicée (198-202)

Références: RSC 345 (25£) - RIC 510a (C) - BMC 669-70 - BnF 6405.

Caractéristiques: Argent, 18mm, 3.5g, 12h - Ex. fonds Cresson.

Commentaire:
Sous Septime Sévère, les quatre ateliers impériaux (Rome, Alexandrie jusqu'en 195, Emèse fermé vers 198 et Laodicée jusqu'en 202) ont tous frappé des deniers à l'effigie de Moneta. Cette dernière est ici assise et tient dans les mains ses deux attributs: la balance et la corne d'abondance. La balance garantit le juste poids de la monnaie et son titre en métal fin.


Balance d'époque romaine (Musée d'Aquitaine, Bordeaux)

Les deux empereurs, le G répété de AVGG indiquant qu'ils sont deux, Septime Sévère et son fils Caracalla, montrent ainsi par l'intermédiaire de cette pièce qu'ils sont les protecteurs de la monnaie et que le peuple peut avoir confiance dans les émissions des ateliers monétaires impériaux. La corne d'abondance précise que la monnaie est source de richesse et d'abondance pour l'Empire et ses habitants. La représentation de Moneta est rangée dans la catégorie Evergesia par E. Manders ("Coining Images of Power") au même titre que l'Annone ou des images de bâtiments, c'est-à-dire qu'elle promeut les réalisations socio-économiques accomplies par l'Empereur.

dimanche 8 septembre 2013

Une statue équestre de l'empereur sur un denier de Septime Sévère (Rome, 206)

La représentation présente au revers de ce denier est tout à fait intéressante. On y observe l'empereur à cheval dans une attitude hiératique, la lance est verticale et il porte dans la main gauche une statuette de Victoire. Même si la légende n'explique pas l'image, car elle est décline la titulature de l'empereur, elle indique néanmoins la date de frappe (TR P XIIII = 206). Il s'agit là très certainement d'une représentation d'une statue équestre de l'empereur qui s'élevait au centre du Forum romain et qui est aujourd'hui disparue. Elle avait été élevée afin de commémorer un "rêve prémonitoire" qu'avait eu Septime Sévère alors qu'il était gouverneur de Pannonie supérieure peu avant l'assassinat de Pertinax en 193. Hérodien en rappelle les faits dans son livre II d'Histoire romaine:
Lorsqu'on eut reçu la nouvelle de l'avènement de Pertinax au trône, Sévère, après s'être rendu au temple pour y sacrifier, et prêter serment de fidélité à la puissance du nouvel empereur, rentra le soir dans sa maison, et s'endormit presque aussitôt. Il rêva qu'il était à Rome : il vit un grand et superbe cheval, magnifiquement caparaçonné, qui portait Pertinax à travers la Voie sacrée. Arrivé à l'entrée du forum, où le peuple, du temps de la république, se rassemblait pour délibérer, ce cheval, par une secousse violente, renversa Pertinax, vint s'offrir à lui, Sévère, qui se trouvait près de cet endroit, et sembla l'inviter, en se courbant, à prendre la place de l'empereur. Il monta le cheval, qui, docile à son nouveau maître, le conduisit au milieu du forum, l'offrant aux regards et à la vénération de la multitude. La statue équestre d'airain, élevée, pour représenter ce songe, au forum même et dans des proportions colossales, subsiste encore de nos jours.
Après sa propre accession à la pourpre, Sévère fera ériger son image en empereur victorieux à l'emplacement désigné par le songe.


n° S122

Dénomination: Denier

Empereur: Septime Sévère

Avers: SEVERVS - PIVS AVG - Tête laurée à droite.

Revers: P M TR P XIIII - COS III P P - Septime Sévère à cheval marchant à gauche, tenant une haste verticale de la main droite et une statuette de Victoire de la gauche. 

Atelier (année de frappe): Rome (206)

Références: RSC 478 (50£) - RIC 203 (S) - BMC 494 - Hill 791 (R4) - BnF /.

Caractéristiques: Argent, 18mm, 2.99g, 12h - Ex. Cayon Auction May 2012 n°4811.

Note: ce type est peu commun comme l'indique la cote du RSC, celle de Cohen (5f) et l'indice fourni par Hill. Le type est d'ailleurs absent de la collection du Cabinet de Paris et du trésor de Réka Devnia pourtant riche en monnaies sévériennes.

Commentaire:

Comme je l'ai indiqué, la statue de Septime Sévère n'existe plus, mais elle était encore debout au moment où Hérodien écrit son texte au milieu du IIIème siècle. Cependant, il est possible que quelques dizaines d'années plus tard, Constantin Ier ait fait déplacer celle de son prédécesseur pour la remplacer par sa propre statue équestre.
La statue est proche de celle de Marc Aurèle visible aujourd'hui à l'abri au palais des Conservateurs à Rome et dont la copie orne toujours la place du Capitole. La main gauche devait porter une statuette, mais le bras droit est étendu alors que celui de Sévère devait porter verticalement une lance.



Statue équestre de Marc Aurèle (Musées Capitolins, Rome)

samedi 24 août 2013

La victoire parthique sur des deniers de Caracalla (Rome, 204)

L'Empire parthe se trouve aux confins orientaux de l'Empire romain et la question de cette frontière a souvent été une priorité pour les empereurs. A trois reprises, Septime Sévère effectue des campagnes militaires en Orient: la première en 193-194 (expeditio Asiana) contre son rival Pescennius Niger, la deuxième en 195 (expeditio Mesopotamena) contre les Parthes et leurs alliés (les Arabes et l'Adiabène) et enfin en 196-198 contre l'entité correspondant à l'Iran actuel (expeditio Parthica) et son chef le roi Vologèse IV.
A l'automne 198, une partie de l'armée embarqua sur l'Euphrate à bord de bateaux à fond plat construits pour l'occasion et l'autre partie suivit le cours du fleuve. L'armée romaine ne rencontra pas d'obstacles, car les Parthes reculèrent au fur et à mesure. Ils prirent ainsi Babylone puis poursuivant le long du canal royal qui relie l'Euphrate au Tigre, s'emparèrent de la double capitale Séleucie et Ctésiphon. L'empereur obtint une Xème puis une XIème acclamation impériale, et reçut de ses troupes le titre de Parthicus Maximus ("Très Grand Parthique") près de 81 ans jour pour jour après le grand Trajan. Il faut rappeler que l'empereur africain avait le désir de rapprocher sa famille de celle des Antonins afin de toujours plus garantir sa légitimité et de montrer ainsi une continuité du pouvoir. 
Voici comment Dion Cassius évoque les événements: 
"Les Parthes, sans attendre l'empereur, s'étant retirés chez eux  [...], [Sévère] à l'aide de bateaux qu'il construisit sur l'Euphrate, s'avançant par le fleuve et par terre le long de ses bords, ne tarda pas, grâce à la rapidité, à la vitesse et au bon aménagement de ces constructions, pour lesquelles la forêt qui borde l'Euphrate et les régions voisines lui fournissaient le bois en abondance, à se rendre maître de Séleucie et de Babylone qui avaient été abandonnées. Il s'empara aussi de Ctésiphon, dont il permit le pillage à ses soldats, il y fit un grand carnage, et prit vifs environ cent mille hommes. Néanmoins, il ne poursuivit pas Vologèse et ne conserva pas Ctésiphon ; mais, [..] il s'en alla [...] parce qu'il manquait du nécessaire ; il revint par un autre chemin."
Hérodien ajoute: 
"Dans l'enivrement de ce succès, il écrivit au sénat et au peuple, leur annonçant ses victoires avec emphase; il les fit même représenter sur des tableaux qui furent exposés publiquement. Le sénat lui décerna les plus grands honneurs, et le décora du surnom des peuples qu'il avait vaincus."
La Victoire Parthique apparaît sur les monnaies de Septime Sévère, mais aussi sur celles de son jeune fils et héritier Caracalla.


n° C118



n° C18

Dénomination: Denier

Empereur: Caracalla

Avers: ANTONINVS - PIVS AVG - Buste lauré, drapé à droite.

Revers: C 118: VICTORIA - PART MAX; C18: VICT PART MA-X - Victoria courant à gauche, tenant une palme de la main gauche et une couronne de la main droite.

Atelier (année de frappe): Rome (204)

Références: C118: RSC 661 (35£) - RIC 145 (R) - BMC S298-9 - Hill 684 (S2) - BnF 6974; C18: RSC 658 (30£) - RIC 144b (S) - BMC S296-7 - Hill 689 (S) - BnF 6973;Maspero 1967/630;J&M Delepierre 1966.

Caractéristiques: C118: Argent, 18mm, 3.7g, 1h, Ex. Cayon Auction May 2012 n°4944; C18: Argent, 18mm, 3.28g, 6h.

Note: Cohen cote la monnaie C118 le double (10f) du denier C18. Ils semble en effet que le denier à légende longue soit un plus rare que celui à légende courte.

Commentaire:

La célébration du triomphe sur les Parthes a eu lieu en 202 en conjonction avec le mariage de Caracalla et Plautille et l'anniversaire des dix années de règne de Septime Sévère. Ces deniers ont donc pu être frappés en 202 à cette occasion. Comme ils ne sont pas explicitement datés (la légende de droit jointe au buste drapé donne la fourchette 201-206), il est difficile de fournir une date précise sauf si l'on trouve des liaisons de coins avec des monnaies datées. C'est ainsi que Hill place ces deniers en 204 au sein de la 18ème émission. Le denier à légende longue VICTORIA PART MAX ferait partie d'un première groupe, suivi par une deuxième et troisième partie d'émission avec la légende courte VICT PART MAX. Il note également une évolution du portrait qui l'amène à distinguer deux groupes, l'exemplaire C18 étant certainement rattaché à la troisième partie de l'émission où le portrait semble plus âgé. Enfin, il faut noter une monnaie avec la tête de Caracalla (donc buste non drapé) trouvée dans le trésor de Marcianopolis et qui semble très rare si elle existe vraiment.

dimanche 23 juin 2013

La Lune et la Grande Ourse sur un denier de Septime Sévère frappé à Emèse

La représentation d'objets stellaires sur les monnaies commence dès la République et continue sous l'Empire, mais sont relativement peu fréquentes au total. Le monnayeur L. Lucretius Trio au premier quart du Ier siècle av. J.-C. a frappé une monnaie avec le buste de Sol à l'avers et le croissant de lune accompagné de sept étoiles au revers, mais disposées différemment que sur le denier de Sévère. Il s'agit d'une représentation des septem triones (les sept boeufs de labour) dont le nom évoque un boeuf tournant sur une aire à battre le blé, image que les Anciens ont repris pour l'étoile polaire tournant autour des six autres étoiles de la constellation. Et en effet, une étoile est au centre de la composition. Ce nom de septem triones, formant aussi un jeu de mot avec le nom du monnayeur républicain, a donné le terme de septentrion pour désigner le nord, l'étoile polaire étant le pôle nord céleste. Certains auteurs interprètent les étoiles comment étant les corps célestes connus dans l'Antiquité: Soleil, Lune, Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne. Dans ce cas, la Lune serait répétée avec la présence du croissant.


n° S33

Dénomination: Denier

Empereur: Septime Sévère

Avers: IMP CAE L SEP SEV - [PERT AVG COS] II - Tête laurée à droite.

Revers: SAECVL F[EL]ICIT . - Croissant de lune surmonté de sept étoiles.

Atelier (année de frappe): Emèse (194)

Références: RSC 628a (30£) - RIC 417 (S) - BMC W390-1 - BnF 6514-6

Caractéristiques: Argent, 17mm, 2.86g, 12h - Ex. CGB Rome XVI n°204.

Commentaire:

Ce type fait partie du programme sévérien annonçant l'aube d'un nouvel âge d'or, comme Virgile dans la quatrième églogue au sujet d'Auguste. La légende SAECVLI FELICITAS y fait référence: "le bonheur du siècle". En latin, saeculum désigne au départ la génération. L'empereur affirme ainsi que son règne va marquer le retour des temps heureux et qu'ils vont se prolonger par l'installation de sa dynastie au pouvoir. Les corps célestes renvoient aussi à l'idée d'Aeternitas. Le début du nouveau Siècle commence lorsque les objets célestes reviennent à leur position initiale après leur périple dans les cieux. C'est l'éternel retour de l'ordre ancien, particulièrement attendu à une époque de troubles et de guerre civile. Dans ce cas, l'hypothèse des planètes avec le Soleil et la Lune est peut-être plus appropriée qu'une représentation de la Grande Ourse.
Le type de revers sur notre denier d'Emèse avait déjà été utilisé par Hadrien, avec la même disposition des objets célestes, mais une légende non explicite (COS III). Septime Sévère se rattache ainsi à la prestigieuse dynastie des Antonins qui l'a précédé, mais en explicitant son programme. Cependant, ce denier n'est connu que pour l'atelier d'Emèse  (on ne le retrouve pas à Rome) et a probablement un message adapté aux populations orientales. En effet, on le trouve quasiment au même moment sur les monnaies d'Antioche de l'usurpateur Pescennius Niger. On peut donc y voir aussi les influences religieuses syriennes où les astres ont une importance de premier ordre.

dimanche 16 juin 2013

Un palmier pour une victoire britannique sur un denier de Septime Sévère (Rome, 210)

Dans sa monographie consacrée au monnayage romain de Septime Sévère et sa famille, P. V. Hill place ce denier en 210 dans une émission spéciale célébrant les victoires impériales en Bretagne. Selon lui, une première émission avait eu lieu un peu plus tôt dans l'année. Les victoires en Bretagne sont l'occasion pour le pouvoir de faire connaitre les succès militaires en multipliant les représentations de Victoria sur les monnaies. Accompagnées de la légende explicite VICTORIAE BRIT (à la Victoire britannique), la déesse de la victoire revêt des positions variées, assise ou debout, à gauche ou à droite, avec ou sans éléments adjoints tels des trophées ou captifs. On notera à l'avers la présence du titre de vainqueur des Bretons (BRIT) que l'empereur arbore sur sa titulature à partir de cette année 210.


n° S72

Dénomination: Denier

Empereur: Septime Sévère

Avers: SEVERVS PIVS - AVG BRIT - Tête laurée à droite.

Revers: VICTORIAE - BRIT - Victoria à moitié nue, debout de face, tête à droite, tenant une palme de la main droite, le bras gauche le long du corps; à droite, un bouclier attaché à un palmier.

Atelier (année de frappe): Rome (210)

Références: RSC 729 (70£) - RIC 337 (S) - BMC G58 - Hill 1139 (R) - BnF 6541-2

Caractéristiques: Argent, 18mm, 3.16g, 6h - Ex. Gorny & Mosch Auktion 170 n°2436

Note: on notera la présence d'une variante où le bras gauche de Victoria au lieu d'être le long du corps, attache le bouclier à l'arbre.

Commentaire:

Victoria, équivalent romain de la grecque Nikê, est représentée ailée portant palme et couronne, attributs dédiés aux vainqueurs. Elle est représentée ici à demie-nue à côté d'un arbre portant un bouclier. Nous sommes en présence du trophée primitif qui consistait à attacher des armes à un arbre le rendant ainsi anthropomorphe. L'arbre a ici l'allure d'un palmier, ce qui est curieux puisqu'il ne correspond pas à un végétal poussant dans les îles britanniques! En fait les graveurs ont repris un type émis en 207 sur de possibles victoires en Afrique. Ils ne connaissaient sans doute pas la végétation de ces provinces du nord, le palmier permettant certainement d'introduire de l'exotisme et de la distance.

dimanche 10 mars 2013

La Lune sur son char sur un antoninien de Julia Domna

La dualité Lune/Soleil est exprimée sur les premiers antoniniens aussi bien dans le choix des revers (Sol sur son quadrige, Luna sur son bige), que sur les avers. En effet, la marque du doublement de valeur de l'antoninien est, sur la tête de l'empereur, la couronne radiée, attribut principal du Soleil. Quant aux impératrices, elles se placent sous l'autorité d'une divinité féminine souvent représentée sur leurs monnaies, Diane (DIANA LVCIFERA) ou plus précisément ici, son avatar Luna. Luna est la déesse de la Lune chez les Romains et un temple lui était dédié sur l'Aventin. Avec son frère Sol, elle symbolise le cycle du jour et de la nuit ainsi que des saisons. Elle a été identifiée très tôt à Séléné ainsi qu'évidemment à Diane, soeur d'Apollon, lui-même identifié au Soleil. On voit en fait que la marque du double denier est répétée pour les impératrices. Les premiers antoniniens de Julia Domna ne comportaient que le buste drapé de l'impératrice, avec dans ses cheveux le stephané, un diadème en forme de croissant. Des méprises ont très certainement eu lieu au sein de la population et ont donc poussé les autorités à ajouter un deuxième élément distinctif en complément du diadème: le croissant de lune, pendant bien plus parlant de la couronne de rayons.


n° J30

Dénomination: Antoninien

Impératrice: Julia Domna

Avers: IVLIA PIA - FELIX AVG - Buste diadémé et drapé posé sur un croissant.

Revers: LVNA LVCIFER-A - La Lune, un croissant sur la tête et l'écharpe flottant autour de la tête, debout sur un bige au galop, à gauche.

Atelier (année de frappe): Rome (215)

Références: RSC 106 (85£) - RIC 379a (C) - BMC C9 - Hill 1471-2 (R) - BnF 6616-8;Armand Valton 1138 - Ex. CNG Electronic Auction 202 n°358 - Ex. White Mountain Coll.

Caractéristiques: Argent, 23mm, 5.48g, 7h. 

Note: le RSC distingue une variante où la Lune n'aurait pas son diadème, citant le BMC. Or, ce dernier ne mentionne pas cette variante qui de toute évidence ne pourrait être due qu'à l'usure. Hill indique aussi cette variante (n°1472) en indiquant que Luna avec le croissant est plus rare (R4). Les deux occurrences 1471 et 1472, ne font en fait qu'une et l'indice de rareté est donc erroné.  

Commentaire:

Luna Lucifera ("celle qui apporte la lumière") est représentée sur son char tiré par des chevaux volant dans les airs, car il n'y a pas de ligne d'exergue indiquant le sol. Caracalla, bien que privilégiant Sol sur les revers de ses monnaies, a également fait représenter la Lune dans un bige, mais tirée par deux taureaux sur certains de ces antoniniens, donc contemporains de notre monnaie.
On retrouve l'iconographie de Luna sur un bige, son écharpe volant au-dessus de sa tête diadémée, sur un des tondo de l'arc de Constantin, mais accompagnée de deux autres personnages (Oceanus et Hesperus). Il s'agit d'une représentation du coucher nocturne de la Lune descendant dans l'Océan, accompagnée de Vénus en tant qu'étoile du soir.


Luna sur un tondo de l'arc de Constantin (Rome)

dimanche 10 février 2013

Un buste atypique sur un denier à la Victoire de Septime Sévère (Rome, 196)

Les bustes de Septime Sévère sur les deniers sont relativement peu variés: la tête laurée à droite domine massivement. Cependant, à y regarder de plus près, on peut trouver des exceptions. Par exemple, les émissions posthumes montrent l'empereur tête nue. Mais du vivant de l'empereur, on trouve aussi des exemplaires qui sortent de l'ordinaire. Ces portraits "exceptionnels" sont localisés essentiellement dans les ateliers orientaux et particulièrement à Laodicée: tête à gauche, buste cuirassé vu de l'avant, etc. Cependant, des deniers romains présentent aussi des bustes sortant de l'ordinaire: présence de l'égide ou d'une légère draperie sur l'épaule gauche, par exemple.


n° S61

Dénomination: Denier

Empereur: Septime Sévère

Avers: L SEPT SEV PE-[RT AVG IMP VIII] - Buste lauré, drapé et cuirassé à droite.

Revers: P M TR P - IIII - C-OS II P P - Victoire marchant à gauche, tenant une palme de la main gauche et tendant une couronne de la droite.

Atelier (année de frappe): Rome (196)

Références: RSC 419v. - RIC 86v. - BMC W146-9v. - Hill 217v. - BnF 6435-6v.

Caractéristiques: Argent, 16mm, 3.2g, 6h - Ex. Forum Ancient Coins, ex. Barry Murphy coll.

Commentaire:

Plusieurs exemplaires de ce type avec buste lauré, drapé et cuirassé vu de l'arrière, ont été trouvés par Barry Murphy. On ne sait pas pourquoi certains types se sont vus attribuer des variations dans le traitement du portrait de l'empereur. L'empereur a peut-être voulu mettre en avant sa fonction de soldat en pleine période de guerre civile, en se présentant revêtu de la cuirasse et du manteau de général
Ce denier daté de 196 (TR P IIII) et présente à l'avers la mention de la huitième acclamation impériale. Cet honneur intervient à l'été 196 au moment de la chute de Byzance. Le siège avait duré deux ans et avait été particulièrement dur. L'empereur était encore en Mésopotamie après avoir vaincu Pescennius Niger quand il apprit la nouvelle. Il se réjouit mais pensait déjà à la prochaine étape: l'affrontement contre Clodius Albinus fraîchement déclaré ennemi public. Voici ce qu'en dit Hérodien: "Aussitôt que Sévère eut ainsi parlé, l'armée entière déclara Albinus ennemi de Rome. Les soldats poussent des acclamations en l'honneur de leur général ; ils témoignent par leurs cris la plus vive impatience; leur confiance redouble l'ardeur et les espérances de Sévère. Après leur avoir distribué de fortes sommes, il se met en marche. Auparavant, il avait envoyé des troupes assiéger Byzance ; cette ville, où s'étaient réfugiés les généraux de Niger, ne lui avait pas encore ouvert ses murs. Elle fut prise plus tard par famine; la ville entière fut détruite; on renversa ses théâtres, ses bains publics et tous les édifices qui l'embellissaient : cette superbe capitale, devenue un faible bourg, perdit encore sa liberté, et fut donnée aux Périnthiens, de même qu'Antioche se vit livrée aux habitants de Laodicée."

samedi 5 janvier 2013

Minerve sur un denier de Clodius Albinus (Rome, 194)

Clodius Albinus, Africain comme Septime Sévère (il est né à Hadrumentum, aujourd'hui Sousse en Tunisie), est nommé César certainement encore en 193 alors qu'il est gouverneur de Bretagne (actuelle Grande-Bretagne). Sévère lui offre ce titre qui fait de lui un héritier à la pourpre, mais ce n'est en fait qu'une manoeuvre afin de le tenir tranquille sur son flanc ouest. En effet, Albinus a sous ses ordres des soldats aguerris et des réseaux influents à Rome. Grâce à cette ruse, l'Auguste Septime Sévère peut alors en toute tranquillité s'occuper de son rival oriental Pescennius Niger. En 194, Septime Sévère se bat en effet en Asie (batailles de Cyzique et Nicée), mais il sait déjà pertinemment qu'il faudra plus tard régler le "problème" Albinus, car le Lepcitain veut fonder une dynastie et mettre ses propres enfants sur la liste à sa succession.


n° A1

Dénomination: Denier

Empereur: Clodius Albinus 

Avers: D CLOD SEPT - ALBIN CAES - Tête nue à droite.

Revers: MINER - PA-[CIF COS II] - Minerve casquée debout de face, tête à gauche, tenant une branche d'olivier de la main droite et un bouclier de la gauche posé derrière elle au sol; une haste est appuyée contre son bras gauche.

Atelier (année de frappe): Rome (194)

Références: RSC 48 (120£) - RIC 7 (R) - BMC W95-102 - Hill 119 (C) - BnF 6239-41;Y28-708;Maspéro 1967/610.

Caractéristiques: Argent, 17mm, 2.5g, 6h. 

Note: Cohen cotait cette pièce 12 francs or. Bien qu'Albin fasse partie des empereurs "peu courants", il n'est néanmoins pas rare. Ce type avec Minerve est d'ailleurs le plus courant des deniers d'Albin César, comme le montre le grand nombre d'exemplaires conservés dans les collections publiques. 
Ce denier présente un flan court caractéristique de cette période du règne.

Commentaire:

Voici comment Hérodien évoque la relation entre Sévère et Albin:
"Cependant sa circonspection et sa prévoyance avaient conçu quelque inquiétude des armées de la Bretagne, armées nombreuses, redoutables, et composées de soldats belliqueux. Elles étaient toutes sous les ordres d'Albinus, patricien et sénateur, homme nourri dès l'enfance dans le luxe et dans la mollesse. Sévère voulut se l'attacher par la ruse : il craignait qu'encouragé par sa richesse, sa naissance, le nombre de ses troupes et l'éclat dont son nom jouissait à Rome, Albinus ne vînt à désirer et à espérer l'empire, ne marchât sur la capitale, peu éloignée de la Bretagne, et ne s'en emparât, pendant que lui-même serait engagé dans la guerre d'Orient. Il amorça, en flattant sa vanité, cet homme d'un esprit léger, d'un caractère simple, et qui ajouta foi aux nombreuses protestations dont Sévère remplissait ses lettres. Sévère lui donna le titre de César, et prévint les désirs de son ambition en lui offrant le partage du trône. Il ne cessait de lui écrire du style le plus affectueux, le suppliant de se charger des soins de l'empire : « L'État avait besoin d'un homme qui fût, comme lui, d'une naissance illustre et dans la force de l'âge. Quant à lui Sévère, il était vieux, attaqué de la goutte, et ses fils encore dans l'enfance. » Le trop confiant Albinus accepta l'honneur qu'on lui offrait, joyeux d'obtenir sans combats et sans péril cet empire, l'objet de ses vœux.
Sévère, pour mieux tromper sa crédulité, communiqua au sénat la résolution qu'il avait prise, fit battre monnaie à l'effigie d'Albinus, lui érigea des statues, et en lui prodiguant des honneurs de toute espèce, lui inspira une confiance entière dans ses intentions. Quand par ces prudentes manœuvres il se fut ainsi rassuré sur Albinus et sur la Bretagne, quand il eut réuni autour de lui toute l'armée d'Illyrie, et préparé tout ce qui pouvait servir à ses succès, il marcha contre Niger."

Cet extrait d'Hérodien indique en effet que Sévère fit battre monnaie à l'effigie d'Albinus. On peut se demander quelle latitude avait le gouverneur de Bretagne qui n'est que César, donc dans une position moins élevée que l'Auguste, dans le choix des types monétaires. Ces derniers sont parfaitement en accord avec la politique impériale de Septime Sévère. Sur notre denier, Minerve, protectrice des Césars, est pacificatrice (MINERVA PACIFERA). Elle tient le rameau d'olivier symbole de paix et ses armes sont laissées de côté. Nous sommes en pleine guerre civile et la position de Clodius Albinus ne bougeant pas de sa province pour aider Pescennius Niger, qu'il a pourtant connu sur les champs de bataille du Danube sous Commode, apporte donc la paix à l'Empire. Il ne veut pas ajouter d'huile sur le feu à un moment critique de l'Histoire où des légionnaires romains combattent d'autres légionnaires. La légende de revers mentionne le deuxième consulat ordinaire de Clodius Albinus. C'est en effet en 194 que Septime Sévère est nommé consul par le Sénat afin de conforter son pouvoir et qu'il choisit Albinus comme collègue. C'est en effet un honneur important de siéger à cette magistrature en même temps que l'empereur régnant. Clodius Albinus s'imagine donc sans doute que d'autres honneurs arriveront. La suite lui donnera tort...


Détail d'un bas-relief sculpté sur une cuve de sarcophage représentant Minerve à côté d'un olivier, son arbre-emblème (Musée archéologique, Ostie).