dimanche 30 janvier 2011

La Providence sur un denier frappé à Laodicée

Ce denier fait mention de la huitième acclamation impériale qui a été décernée à Septime Sévère en décembre 195 suite aux différentes victoires sur les alliés de Pescennius Niger. En 196, l'empereur rentre alors à Rome et apprend en chemin la chute de Byzance qui lui assure une relative tranquilité en Orient et qui lui permet de s'occuper plus sereinement de son front occidental. Ainsi, l'année 197 voit la défaite de Clodius Albinus à la bataille de Lyon, puis une nouvelle campagne en Orient cette fois-ci contre l'empire parthe. Cette monnaie a été frappée dans l'atelier syrien de Laodicée qui permet d'assurer un bon approvisionnement de la solde des légionnaires basés dans les provinces orientales et qui seront mis à contribution dans cette nouvelle guerre contre les Parthes. Il s'agit là d'une bonne "prévoyance" de Sévère comme le rappelle le revers de ce denier.


n° S99 

Dénomination: Denier

Empereur: Septime Sévère

Avers: L SEPT SEV PERT - AVG IMP VIII - Tête laurée à droite.

Revers: PR-OVIDEN-TIA AVG - Providentia debout à gauche, tenant de la main droite une baguette au-dessus d'un globe et un sceptre de la gauche.

Atelier (année de frappe): Laodicée (197)

Références: RSC 592 (25£) - RIC 491a (C) - BMC 456-7 - BnF 6503-4 - Ex. Merson

Caractéristiques: Argent, 18mm, 3.2g, 11h.

Commentaire:

Providentia symbolise la providence divine et impériale. En effet, les Romains, peuple superstitieux, ont toujours cru que les dieux intervenaient en permanence et de manière directe dans les affaires humaines. Tout événement n'est pas le fruit du hasard, mais de la bienveillance divine. Ce terme de providence, étymologiquement "voir en avant", peut être étendu à la prévoyance et c'est là que l'action de l'empereur est capitale pour l'avenir de son gouvernement et de sa conduite de sa politique en particulier dans ses guerres civiles et étrangères. Le globe au pied de la personnification est un symbole de domination et d'éternité et la baguette un symbole de son action. L'empereur, comme toujours, veille sur l'Etat avec sagesse et une divine clairvoyance.

dimanche 16 janvier 2011

La Constitution antonine évoquée sur un denier de Caracalla (Rome, 213)

En 212, afin de faire oublier une histoire familiale tragique (l'assassinat de son frère et de ses partisans) et de détourner ainsi l'attention sur ses crimes, Caracalla fait un acte de générosité sans précédent: il accorde à tous les habitants libres de l'Empire la citoyenneté romaine. Cet acte est officialisé par un texte, l'Edit de Caracalla ou Constitution antonine (constitutio antoniniana de civitate peregrinis danda). Libertas, au revers de notre monnaie fait très certainement référence à cet événement. Comme ce type n'apparait pas avant 213 pour le règne de Caracalla seul, l'édit a très certainement été promulgué vers la fin de 212. Il a certainement complété par ce texte, un processus déjà bien avancé. La citoyenneté avant 212, n'était en effet accordé qu'aux habitants de l'Italie, aux vétérans des troupes auxiliaires (20 ans de service) et aux habitants des provinces aux municipes avec statut de colonie romaine. Le nombre de citoyens dans les provinces avait donc déjà augmenté avant ce nouvel élargissement et cette généralisation. La portée de l'édit est immense dans le domaine du droit, car désormais tout habitant de l'Empire peut faire appel aux règles juridiques du droit romain qui est réservé aux seuls citoyens.
Cependant, pour Dion Cassius, les motivations de Caracalla sont toutes autres, car être citoyen romain ce sont des privilèges mais aussi des devoirs en particulier fiscaux: "c'est pour cela que tous les habitants de l'empire furent, sous apparence d'honneur, mais en réalité pour plus de revenus à l'empereur, attendu que les étrangers étaient exempts de la plupart de ces taxes, déclarés citoyens romains". Pour lui, ce sont donc des raisons fiscales (impôt successoral notamment) qui ont poussé l'empereur à édicter cette loi. En effet, afin de payer des légionnaires plus nombreux (trois nouvelles légions créées par son père) et mieux payés (plusieurs augmentations de la solde depuis 193) il faut trouver de nouvelles ressources en augmentant l'assiette de l'impôt. Une autre raison peut être également que cette uniformisation des statuts des personnes simplifie grandement le travail des administrations permettant de réaliser des économies. Enfin, le texte de l'édit évoque aussi des motivations religieuses avec la multiplication des adorateurs des dieux romains... et de l'empereur. Cette monnaie donne donc à voir à tous les habitants de l'Empire la liberté nouvelle accordée par l'empereur qui espère par cet acte que la gloire rejaillisse sur lui.


n° C69

Dénomination: Denier

Empereur: Caracalla

Avers: ANTONINVS PIVS - AVG BRIT - Tête laurée à droite.

Revers: P M TR P XVI COS IIII P P - La Liberté debout à gauche, tenant un bonnet et un sceptre.

Atelier (année de frappe): Rome (213)

Références: RSC 224 (25£) - RIC 209a (C) - BMC 53-4 - Hill 1358 (C) - BnF 6801-2 et J & M Delepierre 1966

Caractéristiques: Argent, 18mm, 3.2g, 6h - Ex. Frédéric Chapour.

Note: Ce type existe aussi pour une émission plus tardive durant cette même année avec la légende d'avers ANTONINVS PIVS FEL AVG.

Commentaire:

Voici le texte de l'édit traduit par J. Modrzejewski (in Girard & Senn, Les lois des Romains, Naples, 1977, pp. 478-490, n. 21) à partir d'un papyrus acheté en 1902 à Hermoupolis la Grande (Giessen 40):

"[L'Empereur César] Marc Aurèle Sévère Antonin Auguste proclame :
[Il faut donc...], après avoir reçu des pétitions (?) et des [requêtes], [chercher] avant tout comment je pourrai rendre grâces aux dieux [immortels] de m'avoir sauvé par une telle [victoire (?) ...]. Voilà pourquoi j'estime pouvoir accomplir de manière si [magnifique (?) et si pieuse (?)] un acte qui convienne à leur majesté en ralliant [aux cérémonies de leur culte (?)] [les pérégrins], toutes les fois qu'ils viendront se joindre à mes hommes. Je donne donc à tous [les pérégrins qui sont dans] l'Empire le droit de cité romaine, étant entendu [que sont maintenues les cités de toute sorte] excepté celles des déditices. Il se doit en effet que [la multitude... non seulement...] ... tout, mais qu'elle soit dès maintenant associée aussi à la victoire. Et le présent édit augmentera (?) la majesté du [peuple] romain, ...

[L'Empereur César] Marc Aurèle Sévère Antonin Auguste proclame:
[D'une manière générale, c'est à la divinité qu'il faut] avant tout [reporter et] les causes et les raisons (des choses) ; [et moi aussi, comme il se doit], je voudrais rendre grâces aux dieux [immortels] pour m'avoir sauvé d'un tel [complot tramé (contre ma vie)]. Voilà pourquoi j'estime pouvoir accomplir de manière si [magnifique et si digne des dieux] un acte qui convienne à leur majesté, en ralliant [à leur culte, comme Romains], [autant de fois de dizaines de milliers (de fidèles)] qu'il en viendra chaque fois se joindre à mes hommes. Je donne donc à tous [ceux qui habitent] l'Empire le droit de cité romaine, étant entendu [que personne ne se trouvera hors du cadre des cités], excepté les déditices. Il se doit en effet [que la multitude soit non seulement associée] aux charges qui pèsent sur tous, mais qu'elle soit désormais aussi englobée dans la victoire. [Et le présent édit] augmentera la majesté du [peuple] romain : [il est conforme à celle-ci] que d'autres puissent être admis à cette même [dignité que celle dont les Romains bénéficient depuis toujours], alors qu'en étaient exclus... de chaque..."

dimanche 9 janvier 2011

Un denier pour la santé de Septime Sévère (Rome, 210)

Ce denier a été frappé en 210 pour la deuxième émission du règne conjoint de Septime Sévère, Caracalla et Géta. Septime Sévère est malade déjà depuis quelque temps, mais a quand même tenu à mener ses légions en Bretagne. Il a cependant voulu préparer sa succession et a depuis 209 associé aussi son fils cadet Géta au trône. Ce dernier n'était en effet que César depuis une dizaine d'années alors que l'ainé avait le titre d'Auguste depuis tout ce temps, malgré une différence d'âge d'à peine un peu plus d'un an entre les deux enfants. L'Histoire Auguste précise ainsi que "lorsque déjà la maladie mettait ses jours en danger, on dit qu’il envoya à son fils aîné le discours divin de Salluste, où Micipsa exhorte ses enfants à la concorde; mais ce dernier conseil d’un père fut sans effet sur le cœur de son fils, et Geta périt dans toute la force de l’âge, tandis qu’Antonin vécut longtemps pour être le fléau du peuple romain." Dion Cassius est plus précis sur le mal qui ronge l'empereur: la goutte. "Ils étaient à cheval ; car Sévère, bien qu'ayant la plante des pieds entamée par la maladie, n'en était pas moins monté à cheval, leur armée les accompagnait, celle de l'ennemi était même en vue" et "il avait le corps lourd, mais robuste, malgré la goutte qui l'avait beaucoup affaibli, l'esprit pénétrant et plein de vigueur".


n° S52

Dénomination: Denier

Empereur: Septime Sévère

Avers: SEVERVS - PIVS AVG - Tête laurée à droite.

Revers: P M TR P XVIII - COS III P PSalus, assise à gauche, nourrissant un serpent qui s'enroule autour de son bras droit ; le bras gauche repose sur l'accoudoir du trône.

Atelier (année de frappe): Rome (210)

Références: RSC 548 (30£) - RIC 236 (C) - BMC G20-1 - Hill 1081 (S) - BnF 6491.

Caractéristiques: Argent, 19mm, 3.4g, 12h.

Commentaire:

Salus est une personnification féminine dont l'attribut principal est le serpent. On la trouve également avec la patère et dans une moindre mesure avec le gouvernail, le sceptre ou la corne d'abondance. Un autel est souvent associé au personnage qui peut être debout ou assis. La dimension cultuelle des représentations de Salus est donc affirmée avec cet autel où s'enroule le serpent et avec la patère dont elle se sert pour nourrir le reptile.
Sous Tibère, le buste de Livie en tant que Salus apparait sur des dupondii. A partir de Néron, c'est la figure en pied avec la patère qui apparaît sur les monnaies, puis avec le serpent sous Galba. C'est cette représentation qui sera réutilisée durant les siècles suivants, comme sur notre denier.
F. Schmidt-Dick dans son Typenatlas, recense quatorze types de Salus debout et douze de Salus assise pour l'atelier de Rome. Certains types ont eu une postérité importante revenant régulièrement lors d'émissions des empereurs successifs.
Dans toutes les représentations, Salus porte un diadème, la stola qui est le vêtement se portant sur la tunique et la palla qui est le drap recouvrant l'ensemble du vêtement féminin. Lorsqu'elle est assise, c'est sur un trône, avec quelques fois un marchepied. On recense pour les règnes de Sévère à Caracalla, quatre types de Salus assise et un de Salus debout. Le type présenté ici est créé sous Septime Sévère, mais n'aura pas de postérité. On le trouve dans les trois dernières émissions de l'empereur africain, période où il est particulièrement affecté par la maladie.

mardi 4 janvier 2011

Esculape sur un denier de Caracalla (Rome, 215)

Esculape est le dieu de la médecine, l'équivalent du grec Asclepios. Il est le fils d'Apollon et de Coronis et père entre autres d'Hygie et de Télesphore. Avant d'être un dieu mineur du panthéon grec, Asclepios était un médecin, puis un héros. C'est le centaure Chiron qui lui enseigna l'art de la médecine. Il n'était pas seulement invoqué pour des guérisons, mais pour toute aide ou sauvegarde dans de nombreux domaines. Dans le cadre du culte d'Esculape, des serpents étaient gardés en captivité dans les temples, comme celui de l'île Tibérine à Rome. Ce lieu pouvait être comparé à notre Lourdes moderne où une foule nombreuse et pieuse se pressait dans l'espoir d'une guérison rapide. Ces malades étaient logés aux abords du temple sous les portiques.


n° C81

Dénomination: Denier

Empereur: Caracalla

Avers: ANTONINVS PIVS AVG GERM - Tête laurée à droite.

Revers: P M TR P XVIII COS IIII P P - Esculape, debout de face, tête à gauche, tenant de la main droite un bâton debout contre son flanc droit d'où s'enroule un serpent ; son bras gauche restant le long du corps ; sur la droite une sphère est posée au sol.

Atelier (année de frappe): Rome (215)

Références: RSC 302 (30£) - RIC 251 (C) - BMC - Hill 1442 (C) - BnF 6834 - 6834bis - 1970/224 - X.L. 1984/387

Caractéristiques: Argent, 19mm, 3.1g, 6h. - Ex. David Morgan

Note: On peut parfois observer des bandes sécantes sur le globe aux pieds d'Esculape et il existe une variante de ce type sans ce globe.

Commentaire:

Le type d'Esculape, est rare sur les monnaies romaines et doit être mis en lien avec une maladie de l'émetteur. A cause de sa rareté, il ne présente que peu de variations. Le type correspond à la statue du dieu dans son temple de Rome, il semblerait que cette statue corresponde à celle retrouvée sur l'île à la Renaissance et exposée aujourd'hui à Naples.


Statue d'Esculape (Salon du Palais Neuf - Musées Capitolins, Rome)

Esculape est représenté sous la forme d'un dieu barbu, représenté de face, nu jusqu'à la taille, un pan de son vêtement recouvre néanmoins son épaule gauche. Il s'appuie de la main droite sur un bâton d'où s'enroule un serpent. Il peut être parfois accompagné de Télesphore (ce qui est le cas sur un autre denier de Caracalla) et une sphère peut être aussi posée à ses pieds. Cet attribut est emprunté à la Providence et assimile le dieu à cette personnification.