dimanche 22 mai 2011

Une Diane aux épaules ornées d'un croissant sur un denier de Laodicée

Diane, l'Artemis des Grecs, fille de Jupiter et de Latone, soeur d'Apollon est une divinité lunaire comme son frère est solaire. Le croissant de Lune que l'on trouve sur ses épaules, rappelle qu'elle est parfois assimilée à Luna, celle qui éclaire la nuit. Le flambeau qu'elle tient tranversalement dans ses mains est là pour le rappeler. De même, son épithète est explicite: lvcifera, la porteuse de lumière. Cette monnaie dont le prototype romain date de 196 a été frappé à Laodicée, certainement entre 196 et 202, et est caractéristique du "nouveau style" de l'atelier syrien. 


n° J9 

Dénomination: Denier

Impératrice: Julia Domna

Avers: IVLIA - AVGVSTA - Buste drapé à droite.

Revers: DIANA - LV-CIFERA - Diane, un croissant sur ses épaules, debout à gauche, tenant une longue torche des deux mains.

Atelier (année de frappe): Laodicée (196)

Références: RSC 27 (25£) - RIC S638 (S) - BMC S598-9var. - BnF 6584

Caractéristiques: Argent, 18mm, 3.04g, 12h - Ex. CGB.

Note: L'exemplaire illustré dans le catalogue du British Museum ne présente pas le croissant sur les épaules de Julia. Ce type existe aussi à Rome.

Commentaire:

Ce type monétaire est fréquent chez les impératrices. On le retrouve pour Julia Domna vers le début du règne de son époux Septime Sévère et vers la fin de celui de son fils Caracalla. Le temple de Diane à Rome se situait sur l'Aventin  derrière les thermes de Dèce. Il était fréquenté par la plèbe et les esclaves. Ces derniers étaient protégés par la déesse chasseresse. Le culte de Diane/Lune est symptomatique du syncrétisme des cultes traditionnels avec les nouveaux cultes orientaux (Isis, Sol, Cybèle, etc.).
L'autel ci-dessous provenant de l'ancienne collection Borghèse date du IIème siècle ap. J.-C. On y voit un buste de Séléné, la Lune, posé sur le croissant, à l'image des bustes ornant les futurs antoniniens. Julia Domna sera la première à figurer sur cette nouvelle dénomination dont rapidement le portrait au croissant sera l'équivalent féminin du buste radié de l'empereur.


Autel de Séléné (Galerie Daru, Musée du Louvre - Paris)

lundi 16 mai 2011

La Félicité des Temps sur un denier de Géta (Rome, 198)

Peu avant l'annonce de la promotion de son frère aîné à l'Augustat en 198, Géta est nommé César et des monnaies présentent alors le jeune garçon serrant la main de la Félicité. La monnaie ci-dessous est légèrement postérieure et date de la première émission du règne conjoint de Septime Sévère et Antonin (Caracalla). On retrouve Felicitas sur les monnaies du jeune César, seule cette fois-ci alors que son frère hérite du revers avec Fides. Le jeune garçon de 9 ans symbolise la continuité du pouvoir et de la dynastie tout juste mise en place. Cette période de temps qui s'ouvre avec cette nouvelle famille de dirigeants est censée apporter le bonheur.


n° G2 

Dénomination: Denier

Empereur: Géta

Avers: L SEPTIMIVS GETA CAES - Buste, tête nue, drapé et cuirassé.

Revers: FELICIT-AS T-EMPOR - La Félicité debout à gauche, tenant un caducée de la main droite et une corne d'abondance de la gauche.

Atelier (année de frappe): Rome (198)

Références: RSC 44a (30£) - RIC 2 var. (C) - BMC  S144-5 var. - Hill 337 var. (C) - BnF 7019 var.

Caractéristiques: Argent, 18mm, 3.5g, 6h.

Note: Ce buste, en plus d'être drapé, est cuirassé. En effet, on voit de fines ptéryges sur l'épaule de Géta. Cette variante de buste est bien plus rare que le portrait drapé seul, elle est seulement référencée dans le RSC mentionnant la collection G. R. Arnold.

Commentaire:

Felicitas est la personnification du bonheur, du bien-être. Elle apparait sous Galba et son attribut principal est le caducée, symbole de paix et qui en fait donc très souvent une personnification de la paix elle-même, indispensable au bonheur du peuple.Les empereurs considéraient qu'il était de leur devoir de promouvoir le bonheur public. Il en découle une iconographie très abondante dans le monnayage romain. F. Schmidt-Dick dans son atlas des types monétaires romains d'Auguste à Emilien recense par exemple 47 types et variantes de Felicitas uniquement debout auquel s'ajoutent 4 types où elle apparaît assise. Géta reprendra Felicitas debout avec corne d'abondance et caducée à plusieurs reprises, en particulier en 204 avec la légende FELICITAS AVGG.

samedi 7 mai 2011

Un type unique de Salus sur un denier de Caracalla (Rome, 212)

Salus apparaît à trois reprises sur les deniers de Caracalla: deux fois lors du règne conjoint avec son père Septime Sévère et une fois lors de son règne seul en 212. C'est la dernière apparition de cette divinité sur le monnayage de cet empereur. On confond souvent Hygie et Salus. D'un côté, Hygie est la déesse grecque de la Santé, fille d'Asclepios, dieu de la Médecine, comme Panacée, déesse des Soins, et Iaso, déesse des Remèdes. On la retrouve sur de nombreuses monnaies grecques. On traduirait en latin ce nom grec par Valetudo. De l'autre côté, nous avons Salus qui est une ancienne divinité romaine souvent identifiée avec Hygie. Elle est la personnification de la Santé, de la Guérison et du Bien-Etre de l'empereur et de l'Empire. C'est pourquoi, bien que Salus apparaisse sur de nombreuses monnaies romaines, elle doit plus souvent être comprise dans un sens politique que dans un contexte purement médical. Il faut dire que la santé de l'empereur est intimement liée à la paix et à la sécurité de l'Etat. S'il vient à disparaître, la guerre civile peut survenir et les ennemis extérieurs en profiter. Elle est donc une personnification du Bien Public, voire du Bonheur et du Salut.


n° C90 

Dénomination: Denier

Empereur: Caracalla

Avers: ANTONINVS PIVS - AVG BRIT - Tête laurée à droite.

Revers: P M TR XV COS III P P - Salus assise à gauche, tenant une corne d'abondance de la main gauche et nourrissant, avec une patère dans la main droite, un serpent enroulé autour d'un autel.

Atelier (année de frappe): Rome (212)

Références: RSC 206 (25£) - RIC 196 (C) - BMC 45-6 - Hill 1326 (C) - BnF 6788-9

Caractéristiques: Argent, 19mm, 3.47g, 12h - Ex. Chris' Numismatique.

Commentaire:

Ce denier est issu de la première émission de l'empereur Caracalla seul, donc peu après l'assassinat de son frère Géta. Comme expliqué précédemment, le sens de Salus doit être interprété ici politiquement. Cette monnaie s'insère ainsi dans la propagande qui a suivi le soit-disant complot de Géta contre son frère. Ce denier fait donc référence au salut de l'empereur mis en danger par les partisans de Géta. Voici ce que Hérodien raconte sur les événements qui ont suivi l'assassinat de Géta: "Arrivé au camp, il se jette dans le temple où sont renfermés les enseignes et les images sacrées de l'armée. Il se prosterne, et fait aux dieux qui l'ont sauvé un sacrifice d'actions de grâces. Au bruit de cet événement, les soldats qui se baignaient ou se reposaient accourent dans le camp pleins d'effroi. Alors Antonin s'avance au milieu d'eux, et, sans avouer encore la vérité, il s'écrie « qu'il vient d'échapper aux embûches meurtrières de son ennemi, de l'ennemi de l'État (c'est ainsi qu'il désignait son frère) ; après avoir lutté longtemps, il a triomphé de son adversaire; le danger a été égal pour tous deux, mais enfin la fortune a laissé à Rome un empereur. » Antonin voulait, à la faveur de ce langage équivoque, faire deviner la vérité sans la dire." 
Le type utilisé ici par Caracalla est unique dans le monnayage romain par la présence de la corne d'abondance dans la main de la personnification. Cette dernière est reconnue par la présence du serpent, animal-totem de Salus, car la légende datée ne permet pas d'interpréter l'iconographie. La corne signifie peut-être que l'abondance est désormais possible, les ennemis de l'empire ayant été éliminés.