dimanche 20 février 2011

Deux monnaies de Septime Sévère frappées avec les mêmes coins - Mars sur un denier de Laodicée

Ce Mars victorieux fait très certainement partie de la première émission de Laodicée en 194. Le dieu de la guerre  y est représenté nu, casqué et portant un trophée sur l'épaule. L'épithète victorieux renforce la présence du trophée et indique que l'empereur est sorti victorieux d'une ou plusieurs batailles. Les batailles de Cyzique et Nicée ont lieu durant l'année 194 et sont peut-être célébrées par cette monnaie. La lance pointée vers l'avant indique que la guerre n'est cependant pas terminée et que le combat contre son rival Pescennius Niger n'est pas encore terminé.
Ce type monétaire existe aussi avec une légende courte toujours au datif MART VICT. De même, il est également présent au même moment dans l'autre atelier syrien d'Emèse. Les mêmes messages sont ainsi fournis aux troupes par les différents ateliers émettant au plus près des légions.


n° S77

Dénomination: Denier

Empereur: Septime Sévère

Avers: L SEPT SEV P-ERET AVG IMP II - Tête laurée à droite.

Revers: MART - VICTOR - Mars, nu, excepté la présence d'un drap flottant à la taille, avançant à droite, tenant un trophée sur l'épaule gauche et une lance pointée vers l'avant de la main droite. 

Atelier (année de frappe): Laodicée (194)

Références: RSC 323a var. (30£) - RIC 457 var. (S) - BMC p.108 note var. - BnF 6395 var.

Caractéristiques: Argent, 17mm, 3.0g, 12h - Ex. Noël.

Note: Cette monnaie n'est pas présente dans les ouvrages de référence avec la légende d'avers fautive.

Commentaire:

Ce denier frappé à Laodicée (légende de droit se finissant par le nombre d'acclamations impériales) présente la particularité d'avoir une erreur dans sa légende d'avers. En effet, le classique PERT pour PERTINAX est remplacé par PERET qui montre que le graveur syrien, de langue grecque, ne maitrisait pas le latin et ne comprenait peut-être pas non plus le sens de ce qu'il écrivait. D'autres éléments sont caractéristiques de ces frappes orientales du début du règne, comme les lettres parfois approximatives (le A de MART par exemple). Le style de portrait est également très "syrien". Mais ce qui est encore plus remarquable pour cette monnaie, c'est d'avoir pu trouver un autre exemplaire frappé avec les mêmes coins de droit et de revers. En effet, la monnaie ci-dessous, mieux conservée que mon exemplaire, est proposée à la vente sur offres Helios n°6 des 9 et 10 mars 2011. Ce type de liaison renforce la rareté de cette variante qui n'est pas référencée à Londres et existe à Paris avec les légendes MART VICT et MART VICTOR, mais toutes deux avec la titulature non fautée en PERT.


Helios Auktion 6 - Lot n°883

samedi 12 février 2011

Poids et titres des deniers de 193 à 198 et Junon sur un denier de Julia Domna

Le denier présenté ici est issu de l'atelier de Laodicée durant la période qui s'ouvre de 196 à 202. On constate que les deniers de cet atelier durant le règne conjoint de Septime Sévère et Caracalla (à partir de 198) sont plus lourds que durant la période précédente. Ainsi Mattingly trouve un poids de 3.16g pour les 148 spécimens de l'atelier syrien de cette période au British Museum contre 3.04g (nouveau style) et 3.03g (ancien style) pour le règne de Septime Sévère seul. Cette valeur est la plus élevée des ateliers orientaux (3.12g à Emèse et 2.94g à Alexandrie), mais ces moyennes correspondent à la période des guerres de sucession qui s'achèvent avec les défaites de Pescennius Niger puis de Clodius Albinus. Même à Rome durant le règne de Sévère seul on observe des poids faibles avec des frappes peu soignées et des flans courts (3.10g en moyenne). L'empereur africain poursuivait ainsi la politique monétaire commencée à la fin du règne de Commode avec une taille du denier au 114ème de livre. Si on revient au règne conjoint de Sévère et Caracalla à partir de 198, on remarque également que Rome frappe des deniers plus lourds que Laodicée (3.24g) et plus proches du poids théorique de 3.38g correspondant à une taille au 96ème de la livre (pied néronien). Si on constate donc une augmentation du poids entre 193 et 198, il faut néanmoins noter aussi une baisse importante de près de 20% du titre d'argent durant la période du règne seul passant de 7500/00 en 193 à 6500/00 vers 194, puis à une valeur autour de 5500/00 en 198. Cette baisse a permis évidemment de financer l'effort de guerre de Septime Sévère durant cette première période de son règne en frappant plus de monnaies pour une même quantité de métal précieux.


n° J22

Dénomination: Denier 

Impératrice: Julia Domna

Avers: IVLIA - AVGVSTA - Buste drapé à droite.

Revers: IVNO - REGINA - Junon voilée debout à gauche, tenant une patère et un sceptre ; à ses pieds un paon.

Atelier (année de frappe): Laodicée (196-202)

Références: RSC 97 (25£) - RIC S640 (S) - BMC S601 - BnF 6606-7

Caractéristiques: Argent, 19mm, 3.4g, 11h - Ex. Joël Creusy.

Note: Ce type existe aussi à Rome comme pour la plupart des monnaies de cette période à Laodicée.

Commentaire:

Les deniers frappés pour Julia Domna à Laodicée durant la période 196-202 et que l'on qualifie de "nouveau style" sont épais, les lettres des inscriptions sont grossières et le style est caractéristique et inchangé durant cette période d'au moins sept années. Il en est de même bien sûr pour les autres membres de la famille impériale. Pour l'impératrice, le monnayage est dominé par des types portant au revers des vertus féminines (Pudeur, Joie, Piété, Concorde...) ainsi que des déesses du panthéon Romain: Cérès, Vesta, Vénus ou comme ici Junon. Mises à part quelques exceptions (Claude II le Gothique), cette inscription à la gloire de Junon reine (IVNO REGINA) n'est jamais utilisée pour les empereurs, mais seulement pour les impératrices. Junon, l'Héra romaine, est la femme de Jupiter le dieu des dieux d'où son emploi massif par les épouses des dirigeants de l'Empire. La statue romaine présentée ci-dessous est voilée et diadémée comme sur la monnaie d'où son attribution à Junon. Mais il semblerait plutôt qu'il s'agisse d'une Muse reprenant un type grec du IIIème siècle av. J.-C.


Statue de déesse dite "Héra Campana" (Musée du Louvre - Paris)

Un paon accompagne fréquemment la déesse et est intimement liée à la personne de l'impératrice comme on peut le voir sur les deniers de consécration. Cet oiseau est aussi souvent représenté sur des objets de la vie courante comme sur ces fibules zoomorphes servant d'attaches aux vêtements romains.


Fibules zoomorphes en forme de paons (Musée des Antiquités nationales - Saint Germain-en-Laye)