dimanche 16 décembre 2012

Trois liaisons de coin pour une Minerve sans bouclier - Denier de Caracalla (Rome, 198)

Ce type avec Minerve armée et tenant une statuette de Victoire devant un trophée existe pour Caracalla aux ateliers de Rome et Laodicée et présente de nombreuses variantes. On trouve en effet deux légendes de droit, l'une datée de 198 par la première puissance tribunicienne (IMP CAE M AVR ANT AVG P TR P), l'autre avec une légende active en 198 et 199 comme sur l'exemplaire présenté ici: IMP CAES M AVR ANTON AVG. 
P. V. Hill découpe ainsi la troisième émission du règne conjoint de Sévère et Caracalla en deux phases en fonction de cette légende d'avers. 
Ce type monétaire avec Minerve est apparu sous Commode (par exemple avec la légende MIN VICT P M TR P XIIII // COS V P P), mais n'aura pas de descendance au IIIème siècle.
Caracalla est César de 196 à 198 et se place sous la protection de Mars (VLTOR) et de Minerve (SECVRITAS). Minerve, déesse de la Guerre, renvoie aux victoires de son père (présence du trophée) et est classiquement depuis Domitien la protectrice des Césars en tant que fille de Jupiter, figure de l'Auguste. Mars a un peu la même fonction et il n'est donc pas étonnant de les retrouver ensemble. Dans le trésor de Marcianopolis, ces deux types représentent 38% des deniers de Caracalla pour cette période. En 198, date de son accession à l'Augustat, on ne trouve plus que Minerve (VICTRIX) représentant 44% des types de revers de Caracalla.


n° C8

Dénomination: Denier

Empereur: Caracalla

Avers: [I]MP CAES M AVR - ANTON AVG - Buste lauré, drapé à droite.

Revers: MIN-ER - VICTRIX - Minerve debout à gauche, tenant une Victoriola et une haste renversée, un trophée derrière elle.

Atelier (année de frappe): Rome (198)

Références: RSC 161v. (30£) - RIC 21v. (S) - BMC S117v. - Hill 369v. (R3) - BnF 6760v.

Caractéristiques: Argent, 18mm, 3.21g, 12h.

Commentaire:

Cette seconde phase à laquelle se rattache notre denier est plus rare (seulement 2 exemplaires dans le trésor de Marcianopolis) au lieu de 55 pour la première. Les trois ouvrages de référence: RSC (n°161), RIC (n°21) et BMC (n°S117) ne signalent pour ce type que le buste drapé et cuirassé, alors que Hill, ne signale au contraire que la variante avec buste drapé uniquement (n°369). Cette dernière existe cependant dans les collections de la Bibliothèque nationale de France à Paris sous le n° 6760, il est curieux qu'il n'en soit pas fait mention dans les autres ouvrages. C'est le cas également de mon exemplaire. Cependant, ce qui le distingue de ceux référencés ci-dessus est l'absence du bouclier devant Minerve. Cette absence est notée dans le RSC pour le denier de la première phase à la légende datée.


Denier de Caracalla avec le bouclier absent (RSC 159b) daté de la première phase de l'émission. Ex. silvernut.

L'exemplaire ci-dessus est intéressant, car il partage le coin de revers avec mon exemplaire, ce qui permet de lier les deux phases de frappe au sein de l'émission. La pièce ci-dessus a donc d'abord été frappée, mais le coin de droit s'est usé à la longue et il a été remplacé par celui non daté, le coin de revers étant inchangé. L'exemplaire C8 de ma collection fait partie de cette deuxième fournée. Mais ce qui est encore plus étonnant est ce troisième exemplaire présentant un rare buste drapé et cuirassé vu de l'avant. Cette monnaie est non répertoriée avec ce buste mais est présente dans les collections nationales (Cabinet des Monnaies, Médailles et Antiques, BnF).


Denier de Caracalla avec le bouclier absent daté de la première phase de l'émission. Ex. BnF Paris (n°6759)

Encore une fois, Minerve a perdu son bouclier et encore une fois il s'agit du même coin de revers, ce qui montre la rareté de cette variante résultant de l'erreur du scalptor lors de la gravure. Nous sommes donc en présence de trois monnaies présentant une erreur de gravure, les avers correspondants présentant deux bustes différents et deux légendes également différentes.

dimanche 14 octobre 2012

Un quadrige pour célébrer le deuxième consulat de Géta (Rome, 208)

Cette monnaie fait partie des deniers les plus rares du règne de Géta. Curtis C. Clay en connait autour d'une douzaine d'exemplaires, tous issus du même coin de revers, ce qui confirme la rareté du type. Un autre coin est connu, mais il présente une légende raccourcie en PONTIF au lieu de PONTIFEX. Philip V. Hill classe cette monnaie dans une émission spéciale de 208 célébrant les consulats des fils de Septime Sévère, le troisième pour Caracalla et le deuxième pour Géta, comme le mentionne la légende à l'exergue du revers. Le pontificat est également mis en avant sur cette légende.


n° G28 


Dénomination: Denier

Empereur: Géta

Avers: P SEPTIMIVS - GETA CAES - Buste drapé, tête nue, à droite.

Revers: PON-TIFEX // COS II - Géta debout dans un quadrige triomphal à droite, tenant le scipio.

Atelier (année de frappe): Rome (208)

Références: RSC 103b (200£) - RIC 66 (R) - BMC S591note - Hill 944 (R4) - BnF /

Caractéristiques: Argent, 20mm, 3.2g, 6h - Ex. Gemini VI n°495.

Note: Ce type est absent des deux grandes collections institutionnelles que sont le British Museum et la Bibliothèque nationale de France. Le BMC cite pour cette monnaie "Ciani Stock, 1927, n°3342". 

Commentaire:
Ce denier commémore une cérémonie qui a lieu le premier jour de l'année et jour de l'investiture des nouveaux consuls ordinaires. Les consuls sont debouts sur leur char et sont revêtus de leurs insignes: le sceptre surmonté d'un aigle et un costume particulier, la toga picta et la tunica palmata. Un peu à la manière du triomphe, ils montent ainsi au Capitole précédés des licteurs dans une procession appelée processus consularis. Ils effectuent ensuite, entre autres, un sacrifice à Jupiter. Cette année là, Caracalla et Géta sont consuls ordinaires. Ils donnent leur nom à l'année de leur mandat, ainsi 208 est l'an de Rome 961, Antonin étant consul pour la troisième fois et Géta pour la deuxième. Il faut signaler enfin que d'autres consuls, dits suffects, peuvent également être nommés par l'empereur.
Cette monnaie rappelle un autre denier de Géta, mais avec le quadrige à gauche cette fois-ci. Elle fait référence au premier consulat du fils cadet de Septime Sévère qui avait eu lieu durant l'année 205.
Sur cette reproduction d'un relief de l'arc de Lepcis Magna, on peut voir l'entrée triomphale des Augustes. Cela donne une idée du faste de ce type de cérémonie.


Copie d'un bas-relief de l'arc de Lepcis Magna (Musée de la Civilisation romaine - Rome)

Des listes chronologiques des consuls existent dans des textes (comme dans "l'Histoire de Rome" de Tite-Live, par exemple), mais aussi sous forme d'inscriptions souvent fragmentaires gravées dans la pierre (fastes consulaires).


Fragment des fastes consulaires, les 'fasti capitolini' (Musées capitolins - Rome)

dimanche 7 octobre 2012

Hilaritas sur un denier syrien de Julia Domna

Hilaritas fait partie de ces personnifications que l'on retrouve traditionnellement sur les monnaies des impératrices, plus rarement chez des empereurs (majoritairement les Antonins). Ce type est partagé avec d'autres deniers frappés pour sa belle-fille, Plautille. Mais contrairement à cette dernière, l'atelier de Rome a également émis des monnaies avec l'Allégresse portant les mêmes attributs, la palme et la corne d'abondance. On fait la distinction entre les deux ateliers par leur style iconographique et épigraphique. La monnaie n'est pas datée, il y a en effet peu de titres pour une impératrice, ce qui limite la précision dans la datation. La monnaie est dans le nouveau style de Laodicée en vigueur à partir de 196 et jusqu'à la fermeture de l'atelier en 202. On peut envisager alors une date autour de 198-200 comme son prototype romain ou alors vers 202 pour coïncider avec l'émission du mariage de son fils aîné conjointement avec Plautille.


n° J46

Dénomination: Denier

Impératrice: Julia Domna

Avers: IVLIA - AVGVSTA - Buste drapé à droite.

Revers: HIL-A-RITAS - Hilaritas debout à gauche, tenant une longue palme de la main droite et une corne d'abondance de la gauche.

Atelier (année de frappe): Laodicée (198?)

Références: RSC 72 (25£) - RIC S639 (S) - BMC S600 - BnF 6597.

Caractéristiques: Argent, 19mm, 3.1g, 11h - VAuctions Sale 275 n°383.

Commentaire:

Hilaritas est la personnification de la bonne humeur, de la gaîté, de l'allégresse. Une matrone romaine se devait en public de montrer cette qualité et de la transmettre à son entourage. Les seules monnaies en métaux précieux que l'on connaisse de Didia Clara, la fille du prédécesseur malheureux de Septime Sévère, Didius Julianus ont également ce revers, mais avec la légende HILAR TEMPOR, l'Allégresse des Temps. La légende de la monnaie de Julia Domna est moins claire, s'agit-il de la promotion d'une qualité de l'impératrice elle-même (Hilaritas Augustae) ou de la propagande pour un nouvel âge d'or (Hilaritas Temporum)? En effet, le règne des nouveaux maîtres de Rome, les Sévères, est censé apporter la joie aux différents habitants de l'Empire. La légende HILARITAS ne permet hélas pas de trancher.

mercredi 15 août 2012

Le Soleil dans son quadrige sur un antoninien de Caracalla (Rome, 217)

Cet antoninien est daté de 217, la dernière année de règne de l'empereur Caracalla. En effet, la XXème puissance tribunicienne est gravée au revers de la monnaie. Cette monnaie est rare: dans le cadre d'une étude sur les antoniniens de Caracalla, j'avais noté 3 exemplaires de ce type (sur un total de 631, soit 0,48% des antoniniens rencontrés). De plus, ce revers n'existe qu'avec ce buste drapé et cuirassé vu de l'arrière, le plus utilisé en 217. L'existence de variantes avec un buste drapé seul est possible, car c'est le cas pour d'autres types de 217. Cependant, l'empereur étant assassiné en avril, il est possible qu'il y ait eu peu ou pas du tout d'exemplaires frappés avec cette variante de buste.


n° C107

Dénomination: Antoninien

Empereur: Caracalla

Avers: ANTONINVS PIVS AVG GERM - Buste radié, drapé et cuirassé vu de l'arrière. 

Revers: P M TR P XX COS IIII P P - Sol radié, monté sur un quadrige galopant à gauche, levant la main droite et tenant un fouet de la gauche.

Atelier (année de frappe): Rome (217)

Références: RSC / - RIC / - BMC 195A - Hill 1559 (R4) - BnF /

Caractéristiques: Argent, 22mm, 5.22g, 12h - Ex. Montay.

Note: Cette monnaie n'est pas référencée dans le Roman Silver Coins (RSC) III, pourtant l'ouvrage de référence le plus récent sur la période (1982). Il est donc absent également des ouvrages de référence plus anciens: Cohen ou RIC. Un exemplaire est présent dans les addenda du BMC, c'est certainement celui rencontré par Hill qui classe cette monnaie R4.

Commentaire:

Sol sur un quadrige apparaît sur le monnayage d'Hadrien, mais est véritablement popularisé sous les Sévères et on le retrouvera dans les émissions d'autres empereurs du IIIème siècle, comme sur cet impressionnant quadrige vu de face frappé sous Probus.
Sol bénéficie d'une popularité importante sous les Sévères, empereurs "orientaux" ainsi que dans l'armée. Caracalla fait frapper des monnaies avec ce dieu au revers chaque année à partir de 215. Durant la période républicaine et les débuts du principat jusqu'aux Antonins, Sol est généralement représenté afin de désigner l'Orient et de célébrer des victoires face aux peuples habitant les marges orientales de l'Empire. Mais à partir des Sévères, il prend une connotation plus religieuse, Sol étant une divinité solaire reprenant des éléments à la fois gréco-romain (Apollon, Helios) et oriental (Mithra). Le culte de Sol est alors très vivace et concurrence le christianisme qui lui aussi progresse dans l'Empire. Des empereurs comme Aurélien feront de Sol Invictus la divinité principale d'un panthéon qui ressemble de plus en plus à un monothéisme, sans l'être pourtant totalement.

mardi 7 août 2012

Une monnaie de Septime Sévère exceptionnelle, rare et complexe iconographiquement

Cette monnaie est exceptionnelle à plus d'un titre. Tout d'abord par sa rareté. Même si le British Museum possède deux exemplaires (dont un usé), elle est absente de beaucoup de grandes collections institutionnelles en premier lieu de Paris. Au moment de la rédaction de son ouvrage à la fin du XIXème siècle, H. Cohen ne connaissait que l'exemplaire du Cabinet de Vienne. Aujourd'hui, cinq exemplaires semblent être connus, tous de même coin de revers, ce qui confirme la rareté du type. Ensuite par son iconographie unique dans le monnayage romain. La scène est complexe, car de nombreux personnages et attributs occupent le flan. Tout d'abord l'empereur, reconnaissable à sa barbe bifide, est assis sur une chaise curule de face, ce qui est déjà remarquable. C'est le magistrat qui est représenté ici puisqu'il est en toge et il est assis sur le siège réservé à ceux qui possèdent l'imperium. On notera que Mattingly dans le RIC interprète le personnage principal comme Roma, contrairement à Cohen, car pour lui l'exemplaire du British Museum montre un personnage féminin. La barbe qui se voit clairement sur l'exemplaire ci-dessous ne laisse planer aucun doute sur l'identité du personnage, c'est bien Septime Sévère. La légende, quant à elle est militaire: VICTORIAE AVGG, les Victoires des Augustes. Et on voit effectivement deux Victoires sur cette monnaie, l'une dans les mains de l'empereur sous la forme d'une statuette, l'autre est Victoria, personnification et déesse de la Victoire qui, planant dans les airs, vient couronner Septime Sévère. Reste à identifier le personnage à genoux et l'attribut qu'il porte à bout de bras au-dessus de lui.

n° S113

Dénomination: Denier

Empereur: Septime Sévère

Avers: SEVERVS - PIVS AVG - Tête laurée à droite.

Revers: VICTORIAE AVGG - Septime Sévère en toge assis de face sur une chaise curule, tenant une Victoriola dans sa main droite; sur la droite à ses pieds, une petite figure nue porte un orbe sur sa tête. A droite, une Victoire volante couronne l'empereur.

Atelier (année de frappe): Rome (206)

Références: RSC 717 (350£) - RIC 301 (R3) - BMC 371-2 - Hill 1008 (R4) - BnF /

Caractéristiques: Argent, 19mm, 3.38g, 6h -  Ex. Aureo & Calico Subasta 238 n°1114 ; Ex. Lanz Auktion 100 n°33 ; Ex. Lanz Auktion 30 n°636.

Note: Cette monnaie est rarissime comme le montre les indices de rareté et les cotes. A la fin du XIXème siècle, Cohen la cotait déjà 100F Or.

Commentaire:

Les mystères sont nombreux pour cette monnaie à commencer par sa datation. Mattingly la date de 208, Hill la place quant à lui en 209 lors d'une émission spéciale sur la campagne et les premières victoires en Bretagne. Or rien n'explique le lien entre cette iconographie hors du commun et la campagne britannique. Curtis C. Clay a un argument décisif pour l'année 206. Il a en effet observé des liaisons de coins de droit avec le type LAETITIA TEMPORVM (jeux du Cirque avec le navire au centre, les chars en haut et les animaux en bas). De nombreux types rares et exceptionnels comme ceux-ci ont été frappés cette année-là et il ne serait pas étonnant que cela soit aussi le cas pour notre denier à la légende VICTORIAE AVGG. 
Il reste à identifier le petit personnage aux pieds de l'empereur. Certains y voit un captif portant un bouclier. Les captifs sont rarement nus et portent des vêtements distinctifs afin de bien les identifier. De plus, le "bouclier" ne correspond pas vraiment à ce que les graveurs représentent pour ce type de matériel militaire. D'autres comme Cohen y voient Atlas soutenant le globe et donc on pourrait penser par extension qu'il s'agit d'une représentation de la chaîne de l'Atlas en Afrique du nord.

Atlas Farnese au Musée archéologique national de Naples

Détail du globe céleste

Cette monnaie symboliserait donc des victoires dans cette province du sud de l'Empire. C'est certainement pour cette raison que Mattingly dans le BMC plaçait approximativement (sans connaitre la liaison de coin?) l'émission de ce denier en 208. Cependant, ce n'est guère probable, la possible visite (et victoire?) de Septime Sévère en Afrique ne daterait que de 207 et si on retient 206 pour la date de frappe, cela ne colle plus... De plus, le globe n'a pas non plus sa représentation canonique (comme on peut le voir par exemple sur des exemplaires de consécration avec l'aigle ou comme attribut de Providentia), donc il ne s'agit pas non plus d'Atlas.  L'émission ne serait alors qu'un rappel des victoires parthiques de 198? Le mystère n'est aujourd'hui pas résolu. En tous les cas, C. Clay fait le lien entre ce denier et un autre de Caracalla tout aussi rare, exceptionnel et avec la même légende... et Septime Sévère au revers! En plus des deux Victoires, deux captifs "parthes" sont présents, ce qui accréditerai ce lien avec la campagne parthique victorieuse de 198. Enfin, la dernière possibilité, certainement la plus séduisante, est celle d'Aiôn, l'Eternité, qui est souvent représenté plus ou moins nu et qui porte au-dessus de lui le ruban zodiacal. Un très bel exemple est visible sur cet auréus d'Hadrien avec explicitement à l'exergue SAEC AVR. On remarquera aussi le phénix posé sur un globe symbole  d'éternité et de renouvellement.

Auréus d'Hadrien avec représentation d'Aiôn au revers
Courtesy: Numismatica Ars Classica

On est donc dans une représentation liée au Saeculum Aureum très en vogue en ce IIIème siècle et dont on aura l'occasion de reparler. La victoire sur l'ennemi héréditaire parthe est peut-être pour le pouvoir impérial le point de départ pour ce nouvel âge d'or que les Sévères incarnent.

lundi 23 juillet 2012

Une longue titulature au droit et Felicitas au revers sur un denier de Géta (Rome, 210)

Peu de monnaies de Géta Auguste ont été frappées en 209, année de son accession à l'Augustat au côté de son père et de son frère aîné. A l'opposé, 210 voit de nombreux deniers afficher la deuxième puissance tribunicienne (TR P II) du plus jeune des Sévère. C'est le cas sur cette monnaie que P. V. Hill place en début d'année (2ème émission du règne conjoint des trois Augustes). On remarquera que la titulature de Géta, contrairement à son père (SEVERVS PIVS AVG) et à son frère (ANTONINVS PIVS AVG) pour la même période, est plus complexe: IMP CAES P SEPT GETA PIVS AVG. On y fait encore mention de son nom complet avec prénom et surnom (P[VBLIVS] SEPT[IMIVS] GETA), ainsi que de son titre de César (CAES) alors qu'il vient d'être nommé Auguste (AVG). Enfin, le titre d'Imperator (IMP) est aussi mentionné alors qu'il ne l'est plus pour cause de paix, pour les autres Augustes depuis de nombreuses années. La campagne britannique en cours explique certainement cela, un commandement d'unités militaires étant certainement accordé au jeune homme. Cette titulature se poursuit au revers avec mention du pontificat (PONT), très employé par le jeune prince sur son monnayage, et de son deuxième consulat (COS II), charge qu'il a portée en 208.
 

n°G37

Dénomination: Denier

Empereur: Géta

Avers: IMP CAES P SEPT - GETA PIVS AVG - Tête laurée à droite.

Revers: PONTIF TR P II COS II - Felicitas debout de face, tête à gauche, tenant dans sa main droite, une corne d'abondance et de la gauche, un caducée long.

Atelier (année de frappe): Rome (210) 

Références: RSC 137 (50£) - RIC 69a (C) - BMC G40-2 - Hill 1084 (S) - BnF 7066

Caractéristiques: Argent, 19mm, 3.56g, 12h - Ex. HD Rauch Sommer Auktion 2011 n°839.

Commentaire:

Même si la légende n'est pas explicite, c'est Felicitas (la Félicité, le Bonheur) qui orne le revers de ce denier. C'est une personnification très en vogue au troisième siècle, considéré par les Romains comme l'aube d'un nouvel âge d'or. En effet, pas moins de 27 empereurs de ce siècle utiliseront cette dénomination sur leurs monnaies! Felicitas porte dans ses mains ses deux attributs principaux. Contrairement à d'autres monnaies de Géta où le caducée est court, on remarquera ici un caducée long. Cette combinaison, caducée long et cornucopiae, est abondamment reprise par Macrin, Gordien III ou Philippe I, mais les attributs sont dans les mains opposées (type f1A,E/24 selon la typologie de F. Schmidt-Dick). En effet, peut-être pour des raisons esthétiques, la corne d'abondance est représentée dans la main droite, près du corps quand le personnage est tournée vers la gauche. Ici, c'est le contraire (type f1A/27) et c'est une nouveauté introduite sur les monnaies de Géta. Seul Diaduménien, un autre jeune empereur, reprendra cette disposition.
Felicitas forme avec Pax, Securitas et Salus le noyau des personnifications bénéfiques utilisées par les empereurs pour glorifier la prospérité de leur règne. Introduite par Galba et très proche iconographiquement de Pax, Felicitas symbolisait alors le bonheur retrouvé après les guerres civiles. Géta reprendra cette personnification à de nombreuses reprises et en combinaison avec de nombreuses légendes: FELIVITAS AVGG, PVBLICA ou TEMPOR. L'âge d'or arrivait assurément avec le règne des Sévères.

dimanche 24 juin 2012

Caracalla sacrifiant pour ses décennales (Rome, 202 et 206)

En 198, Caracalla est nommé Auguste par son père. Selon Hill, des voeux pour les dix années à venir (VOTA SVSCEPTA X) sont commémorés en 202 et 206. En 202, on trouve effectivement des deniers avec la légende VOT SVSC DEC PON TR P V COS. Caracalla a encore l'allure juvénile (il n'a que 14 ans) et l'avers de la monnaie arbore un buste drapé. Les dix ans de règne sont abrégés en DEC. Le revers mentionne le pontificat et le consulat qu'il revêt en cette année 202. La monnaie est parfaitement datée par la cinquième puissance tribunicienne. Quelques années plus tard, un autre denier est émis pour les voeux. L'enfant a grandi et est maintenant un jeune homme. A l'image de son père, il est représenté sans draperie au droit de la monnaie, mais la légende est la même, celle qui est active de 201 à 210, ANTONINVS PIVS AVG. Le type de revers est lui aussi identique, l'empereur voilé sacrifiant, mais cette fois la monnaie n'est plus datée, seule la mention des voeux VOTA SVSCEPTA X est maintenue, non plus abrégé mais en toutes lettres, le nombre des années étant cette fois noté sous forme de chiffre. Cependant, l'existence d'un buste drapé pour ce même type monétaire prouve que la monnaie date de 206. En effet, c'est cette année-là que la transition de buste s'opère pour le jeune Auguste. Il ne reste donc plus que deux ans avant l'accomplissement des décennales...


n° C103



n° C111

Dénomination: Denier

Empereur: Caracalla

Avers: ANTONINVS - PIVS AVG - C 103: Buste drapé, lauré à droite ; C111: Tête laurée à droite.

Revers: C103: VOT SVSC DEC - PON TR P V COS ; C111: VOTA SVS-CEPTA X - Caracalla, voilé, debout de face, tête à gauche, sacrifiant à l'aide d'une patère au-dessus d'un trépied allumé et tenant un rouleau de la main gauche.

Atelier (année de frappe): C103: Rome (202) ; C111: Rome (206)

Références: C103: RSC 686 (40£) - RIC 68 (S) - BMC S396-7 - Hill 552 (R) - BnF 6981 (+1ex. sans n°) ; C111: RSC 689 (25£) - RIC 179 (S) - BMC S524-6 - Hill 821 (C2) - BnF 6982;244

Caractéristiques: C103: Argent, 19mm, 3.4g, 6h - Ex. Creusy ; C111: Argent, 20mm, 3.8g, 6h - Ex. Creusy.

Commentaire:
Le voeu est un contrat conclu entre un homme et une divinité. A cette occasion (ici pour les décennales à venir), un sacrifice était dû.
La représentation de l'empereur sacrifiant répond à un canon que l'on retrouve sur des bas-reliefs, statues etc. D'un seul coup d'oeil on reconnait l'action, même si, ici, le terme VOTA appuie l'image. L'empereur qui est aussi prêtre (pontife) est voilé (sa toge de citoyen est drapée afin de recouvrir sa tête et libérer le bras) comme l'impose le rite romain. Il tient en main une patère et effectue une libation au-dessus d'un trépied allumé. Son geste est celui d'une offrande (encens et vin) faite aux dieux. Le trépied devant lui contient un foyer qui sert donc à transmettre cette offrande à la divinité. Sur le bas-relief ci-dessous (face interne de l'arc des changeurs sur le Vélabre), on voit le jeune Caracalla effectuant un sacrifice, très certainement lors des Jeux Séculaires de 204. Il suit le rite grec (sa tête n'est pas couverte) et comme sur la monnaie, il tient en main un rouleau ainsi que la patère au-dessus d'un trépied où un feu est allumé.



Caracalla effectuant une libation au-dessus d'un autel portatif (Arc des changeurs, Rome).

lundi 7 mai 2012

Bacchus sur un denier de Septime Sévère (Rome, 194)

Il n'y a pas de référence à la puissance tribunicienne sur ce denier et pourtant il est datable presque encore plus précisément que si elle était présente. En effet, la présence de TR P sur une monnaie de Septime Sévère est la garantie de dater une monnaie à l'année près, car ce dernier revêtait la puissance tribunicienne au 1er janvier de chaque année. Ici, point de TR P, mais IMP III, on note ainsi que l'empereur est salué pour la troisième fois imperator. Cette acclamation impériale semble intervenir au cours du mois de janvier 194 à la suite des victoires des légions de Septime Sévère sur celles de son rival Pescennius Niger. Au revers apparaît Liber, autre nom de Bacchus, un des dieux protecteurs, avec Hercule, de Septime Sévère et de sa ville natale Lepcis Magna.



n° S96

Dénomination: Denier

Empereur: Septime Sévère

Avers: L - SEPT SEV PE-RT AVG IMP III - Tête laurée à droite.

Revers: LIBERO - PATRI - Liber debout de face, tête à gauche, une peau sur l'épaule gauche, tenant un thyrse de la main gauche et une oenochoé de la droite ; à gauche, une panthère se tenant à gauche, tête tournée vers l'arrière essayant d'attraper des gouttes s'échappant du récipient. 

Atelier (année de frappe): Rome (194)

Références: RSC 301 (25£) - RIC 32 (S) - BMC W64-6 - Hill 84 (S) - BnF 6382

Caractéristiques: Argent, 18mm, 2.69g, 12h - Ex. CGB.

Commentaire:
Liber Pater, dieu italique assimilé à Bacchus, est l'équivalent du dieu tutélaire punique Shadrapa. A côté du Capitole de Lepcis Magna, un temple s'élevait, consacré à la fois à Hercule et à Liber. La légende de ce denier, sous forme de dédicace est explicite, LIBERO PATRI: à Liber Pater. La représentation est canonique, le dieu de la vigne et du vin est nu (sauf une peau sans doute de léopard sur l'épaule et il porte cerainement sur la tête une couronne de pampres) et porte ses attributs, le thyrse et l'oenochoé. Le thyrse est un bâton à l'image d'un sceptre long recouvert de lierre ou de vigne et surmonté aux extrémités par une pomme de pin. L'oenochoé est un pichet servant au service du vin, ce dernier était puisé au cratère (un autre vase) où il avait été mêlé à l'eau. Enfin, le jeune dieu est accompagné de son animal fétiche, une panthère. Elle tire parfois le char du dieu, mais boit ici directement le vin qui s'écoule du récipient. Cette représentation est encore visible sur des statues comme celle ci-dessous du Musée du Vatican.


Statue de Bacchus portant ses attributs et accompagné d'une panthère (Musée Chiaramonti, Vatican)

Les deux dieux spécialement honorés à Lepcis Magna, Hercule et Liber auront une place particulière lors de la célébration des Jeux Séculaires en 204. Hercule sera adopté comme dieu protecteur par le fils aîné de Sévère, Caracalla, et Liber par le cadet, Géta.

dimanche 29 avril 2012

La mort de Caracalla en chemin vers le temple de Lunus à Carrhes - Antoninien frappé à Rome (215)

Hérodien et l'Histoire Auguste mentionnent la volonté de Caracalla lors de la campagne parthique en 217 sur le chemin d'Edesse à Carrhes, de rendre visite au temple de la Lune (σελήνης) pour l'historien grec ou du dieu Lunus pour l'auteur de la vie de Caracalla. La ville de Carrhes (ou Carrhae) en Mésopotamie est le lieu de la fameuse défaite Crassus en 53 av. J.-C. Elle possédait un temple très ancien dédié à un dieu devin (mantique): Lunus, dieu masculin lunaire sans doute le dieu sémite Sin. Les Grecs et à leur suite les Romains ont féminisé ce dieu afin de l'intégrer à leur propre panthéon (Séléné, Luna). Voici ce qu'en dit d'ailleurs l'Histoire Auguste:
"Puisque nous avons fait mention du dieu Lunus, nous devons ajouter que tous les savants ont écrit, et que les habitants de Carres surtout ont encore aujourd’hui la conviction, que ceux qui croient devoir honorer la Lune comme une déesse et lui donner un nom qui suppose ce sexe, sont à jamais les esclaves des femmes; tandis que celui qui lui offre son culte comme à un dieu, et lui en donne le nom, se fait toujours obéir des femmes, et n’a rien à craindre des pièges qu’elles peuvent lui tendre. De là vient que les Grecs et les Égyptiens, tout en désignant par un nom féminin la Lune, comme si elle était une déesse, ont soin cependant de l’appeler dieu dans leur langue sacrée."
L'antoninien présenté ici porte à son revers une rare représentation de Luna dans un bige de taureaux.


n° C104 

Dénomination: Antoninien

Empereur: Caracalla

Avers: ANTONINVS PIVS AVG GERM - Buste radié, drapé et cuirassé, vu de l'avant.

Revers: P M TR P XVIII COS III P P - Luna, un croissant sur la tête et l'écharpe flottante, dans un bige de taureaux courant à gauche.

Atelier (année de frappe): Rome (215)

Références: RSC 294a (75£) - RIC 256c (S) - BMC 120 - Hill 1466 (R2) - BnF /.

Caractéristiques: Argent, 22mm, 4.8g, 12h - Ex. Parsy.

Commentaire:

Le fait que Caracalla allait au temple de Lunus, dieu qui prédit l'avenir, a certainement précipité le complot ourdi par Macrin pour assassiner l'empereur. Le 8 avril 217, lors d'une halte sur le chemin vers le temple, un de ses gardes du corps, Martial, le poignarde à mort.
Voici comment Hérodien relate l'assassinat de Caracalla: "il y avait parmi les gardes d'Antonin un centurion nommé Martial, qui accompagnait toujours le prince, et dont celui-ci, peu de jours auparavant, avait fait périr le frère, sur la foi d'une simple dénonciation. Il traitait Martial lui-même outrageusement, l'appelant lâche, efféminé, et digne ami de Macrin. Ce dernier n'ignorait pas le double ressentiment que la mort d'un frère et des insultes personnelles avaient allumé dans le cœur de Martial : il le fait venir, et, comptant sur son zèle depuis longtemps à l'épreuve, et surtout sur le souvenir de nombreux bienfaits, il lui propose de saisir la première occasion pour assassiner Antonin. Martial, séduit par les promesses de Macrin, entraîné par son propre ressentiment contre l'empereur, et par le désir aveugle de venger son malheureux frère, s'engage sans délibérer à saisir la première circonstance pour tout oser.
Peu de temps après cette entrevue, Antonin qui se trouvait à Carrhes, ville de Mésopotamie, eut envie d'aller visiter le temple de la Lune, divinité que les habitants honorent du culte le plus respectueux. Ce temple était assez éloigné de la ville pour que le trajet fût presque un voyage; aussi Antonin, pour en épargner la fatigue à toute son armée, ne prit-il pour escorte qu'un petit nombre de cavaliers, se proposant d'ailleurs de revenir après avoir sacrifié à la déesse. Au milieu du chemin, se sentant pressé d'un besoin, il quitte sa suite, et, accompagné d'un seul de ses gens, il veut le satisfaire. Alors Martial, qui épiait sans cesse l'instant favorable, voyant l'escorte rangée à l'écart loin de l'empereur, par respect pour la bienséance, et l'empereur seul, court vers lui comme s'il en eût été appelé du geste ou de la voix, et au moment où le prince avait le dos tourné et détachait ses vêtements, il le frappe à la gorge d'un poignard qu'il tenait caché dans ses mains. La blessure était mortelle, et Antonin tomba mort à l'instant sans pouvoir se défendre."
Sur la monnaie ci-dessous, on peut voir une représentation du temple de Lunus avec au centre, sur un tripode, un bétyle conique surmonté d'un croissant de lune. D'autres croissants ornent le fronton du temple ainsi que des étendards de part et d'autre de la pierre sacrée.


Revers d'une monnaie de Septime Sévère frappée à Carrhes (http://www.arminius-numismatics.com/)

samedi 14 avril 2012

Deux légendes d'avers pour un type à la Victoire - Deniers de Septime Sévère (Laodicée, 198)

Voici deux deniers présentant la Victoire, comme toujours ailée, marchant à gauche et munie de ses deux attributs traditionnels: la palme et la couronne. La légende de revers indique la Victoire des Augustes (Septime Sévère et Caracalla) et précise les titres de l'empereur père: son deuxième consulat (depuis 194) et celui de Père de la Patrie. 
Ces deux deniers ont été frappés à peu de temps d'intervalle dans l'atelier syrien de Laodicea ad Mare. Le plus ancien (S110) a une titulature que l'on peut déployer ainsi: L[VCIVS] SEP[TIMIVS] SEVERVS PER[TINAX] AVG[VSTVS] P[ONTIFEX] M[AXIMVS] IMP[ERATOR]XI. Cette légende a été utilisée peu de temps au début de l'année 198.  Ce denier ne semble pas avoir été frappé à Rome. Le suivant (S118) a une titulature différente et employée jusqu'en 202. Le début est modifié ainsi: SEPTIMIVS est rallongé de SEP en SEPT, SEVERVS est abrégé en SEV et les mentions à Pertinax (PERT) et au grand pontificat (P M) sont abandonnés. A la fin, la onzième acclamation impériale est suivie du titre de grand Parthique (PART[HICVS] MAX[IMVS]). Ce denier a aussi été frappé à Rome comme souvent pour les deniers de Laodicée dits du "nouveau style".



n°S110



n°S118

Dénomination: Denier

Empereur: Septime Sévère

Avers: S110: L SEP SEVERVS PE-R AVG P M IMP XI ; S118: L SEPT SEV AVG IMP XI - PART MAX - Tête laurée à droite.

Revers: VICT AV-GG - C-OS II P P - Victoire marchant à gauche, tenant une couronne de la main droite et une palme de la gauche.

Atelier (année de frappe): Laodicée (198)

Références: S110: RSC 695 (25£) - RIC 499 (C) - BMC 634-5 - BnF 6531-2 ; S118: RSC 694a (30£) - RIC 513B (R) - BMC / - BnF /.

Caractéristiques: S110: Argent, 18mm, 3.4g, 12h - Ex. Creusy ; S118: Argent, 19mm, 2.8g, 12h - Ex. Cresson.

Note: Ce type est très courant à Rome avec IMP X. Pour Laodicée, la monnaie avec légende en PART MAX semble plus rare que celle en IMP XI seul. Le RIC cite la collection L. A. Lawrence et il est étonnant que le BMC n'en fasse pas mention. Elle est absente des collections de Londres et Paris.

Commentaire:

Tout d'abord, on constate qu'une des deux monnaies porte le titre de PART MAX et que l'autre non. L'acclamation impériale et le titre de grand Parthique sont donc clairement dissociés sur les deux deniers de même type de revers à la Victoire.
L'acclamation impériale est le fait des troupes qui accordent ce titre à leur général en chef victorieux. Ce terme d'imperator a donné abusivement en français le mot empereur. Par cette acclamation, le général a droit au triomphe accordé par le Sénat. Ce dernier ne fait donc que valider en quelque sorte ce que les soldats ont accordé à leur chef. Le premier denier frappé en Syrie, donc au plus près des champs de bataille de la campagne orientale, a été en quelque sorte émis en avant-première juste avant que les nouvelles arrivent à Rome et que le Sénat donne le titre de grand Parthique à Sévère. Ce qui explique l'inexistence de cette monnaie pour l'atelier de Rome. En revanche, le titre de grand Parthique ne pouvait être donné par les soldats. Lorsque le second denier est émis en Syrie, la nouvelle est donc connue à Rome et le Sénat a accordé le titre de Parthicus Maximus à Septime Sévère. C'est pour cette raison que des deniers de ce type ont aussi été frappés à Rome.

dimanche 1 avril 2012

Plusieurs variantes pour le départ de l'empereur - Denier de Caracalla (Rome, 213)

Le départ de l'empereur, la profectio, est souvent représenté à cheval. Contrairement aux légionnaires, les officiers supérieurs et généraux et notamment le premier d'entre eux se déplacent à cheval. Or, il est ici à pied. Ce qui ne change pas, en revanche, c'est la lance pointée vers le haut: Caracalla est prêt à partir en campagne. La monnaie est non datée et la titulature au droit indique la fourchette 210-213 grâce au titre de Britannicus. Ce denier est en fait très certainement lié à la campagne de 213 contre les Alamans qui lui vaudront le titre de Germanicus. Hill place cette monnaie au sein de la deuxième émission du règne seul, au début de l'année 213. Il existe un type proche de la même émission où le soldat et son enseigne sont remplacés par deux enseignes fichées au sol.


n° C57



n° C97

Dénomination: Denier

Empereur: Caracalla

Avers: ANTONINVS PIVS AVG BRIT - Tête laurée à droite.

Revers: PROFECTIO - AVG - C57: Caracalla en habit militaire, debout à droite, tenant une haste des deux mains; derrière lui, un soldat tenant une enseigne; C97: Même description, sauf que le soldat est derrière Caracalla, en partie caché par lui et l'enseigne à peine visible.

Atelier (année de frappe): Rome (213)

Références: C57: RSC 509 (40£) - RIC 226 (S) - BMC SG 95-6 - Hill 1337 (S2) - BnF 6921, X.L. 1984/385 ; C97: RSC 509a (45£) - BnF 6919-6920.

Caractéristiques: C57: Argent, 18mm, 3.22g, 12h. - Ex. Monnaies d'Antan VSO 4 n°252 ; C97: Argent, 18mm, 3.6g, 1h - Ex. Hugon Numismatique.

Note: Cohen cotait 10f cette monnaie, ce qui est exagéré au vu du nombre d'exemplaires constaté de nos jours. La cote de 40£ permet d'avoir une idée plus juste, de même que l'indice S2 de Hill. La variante avec porte-enseigne accolé semble un peu plus rare que le type principal.
L'exemplaire C97 provient d'un trésor tunisien trouvé par une compagnie de chemin de fer dans les années 1930.

Commentaire:

La variante avec le porte-enseigne accolé à l'empereur est rapportée par le RSC avec la référence : Seaby's Bull. Jan. 1942 (G. R. Arnold). Elle semble être une véritable variante et non une simple variation de gravure sur un coin. En effet, plusieurs monnaies issues de coins différents montrent cette particularité. Il est par contre difficile de trouver un sens précis à ceci.
Une légion regroupée sous un insigne particulier, l'aigle, est composée d'environ 5000 hommes. Elle est subdivisée en dix cohortes de trois manipules elle-même (sauf la première) composée de six centuries. Outre l'aigle, unique, qui symbolise la légion et que l'on peut voir sur certains deniers de Septime Sévère, de nombreuses enseignes existaient au sein de la légion. En effet, chaque manipule (ou centurie?) avait son enseigne (signum) portée par un soldat particulier: le porte-enseigne ou signifer. Ce dernier revêtait souvent une dépouille animale sur son casque avec la tête et les pattes avant, d'un loup généralement. Cet uniforme devait être particulièrement impressionnant sur un champ de bataille et devait contribuer à effrayer l'ennemi. Il y a peut-être aussi originellement une signification totémique. L'enseigne était parfois couronnée par un fer de lance ou une main (d'où le lien avec manipule), comme on le devine sur un de nos deniers. La hampe était abondamment décorée de 2 à 6 disques, de croissants de lune, de tours ou de couronnes. Les disques pouvaient être décorés d'un aigle ou d'un portrait. Ces variations permettaient de distinguer chaque unité. On notera enfins ur un de nos deniers, en bas sur la hampe, une poignée recourbée. En effet, les enseignes étaient souvent plantées dans le sol et il fallait une certaine force pour pouvoir les sortir. Les illustrations ci-dessous montrent différentes enseignes sur des reliefs de la colonne trajane à Rome.

Enseignes (Détails de la colonne trajane, Rome)

dimanche 18 mars 2012

Bonus Eventus représenté sous les traits de Fides sur un denier d'Emèse

La légende de revers BONI EVENTVS, littéralement "au bon événement", fait référence à la personnification d'un génie lié aux événements qui ont une fin heureuse. Son emploi n'est pas courant dans le monnayage romain et il apparaît surtout dans les ateliers orientaux, comme ici sur ce denier d'Emèse, ville natale de l'impératrice. Pescennius Niger qui revendique la pourpre au même moment que Septime Sévère utilise également cette personnification sur son monnayage d'Antioche. On assiste donc à une compétition dans la propagande monétaire entre l'empereur officiel et l'usurpateur sur leurs monnaies destinées à leurs légions se combattant dans les provinces orientales.  
Le denier n'est pas daté avec précision. Le deuxième consulat date de 194 et on pense que l'atelier syrien ferme ses portes en 198 à la fin de la campagne parthique, ce qui laisse presque cinq ans d'incertitudes sur la datation.


n°S85 

Dénomination: Denier

Empereur: Septime Sévère

Avers: IMP CAE L SEP SEV PERT AVG COS II - Tête laurée à droite.

Revers: BONI E-VENTVS - Bonus Eventus debout à gauche, tenant un plateau de fruits dans la main droite et deux épis de blé dans la gauche. 

Atelier (année de frappe): Emèse (194-198?)

Références: RSC 68 (25£) - RIC 369 (S) - BMC W343-4 - BnF 6283-4

Caractéristiques: Argent, 17mm, 3.3g, 12h -  Ex. Monnaies d'Antan VSO 4.

Note: comme souvent avec les monnaies frappées à Emèse, aujourd'hui Homs en Syrie, il existe de nombreuses variantes de légendes fautées.

Commentaire:

On retrouve les origines "agricoles" de ce dieu Bonus Eventus sur les attributs portés par lui sur la monnaie: les fruits et les céréales. Il veillait à la bonne issue des moissons. Mais ce cadre restreint s'est progressivement élargi et les Romains l'invoquaient en de nombreuses circonstances. Cependant, un amalgame est fait ici avec une autre personnification: Fides, la bonne Foi, la Fidélité ou Loyauté. En effet, Bonus Eventus est une divinité masculine, souvent représenté comme Genius, nu tenant une patère et des épis. Or, dans les ateliers orientaux, c'est une personnification féminine drapée qui est représentée sous les traits de Fides et avec les attributs de celle-ci: le plateau de fruits et les épis. Le message qu'ont voulu faire passer les monétaires est qu'avec la fidélité à l'empereur, les conflits qui émaillent le début du règne de Septime Sévère (lutte interne contre Niger et campagne contre les Parthes) ne peuvent qu'aboutir à un heureux dénouement.

dimanche 12 février 2012

Un lion solaire aux côtés de l'armée romaine

Ce denier s'inscrit dans le cadre de la campagne orientale que Caracalla conduit à la fin de son règne. Ses pas suivent ceux d'Alexandre le Grand, le modèle de tous les généraux romains qui rêvent un jour de l'Orient et de ses richesses. Une victoire contre l'ennemi héréditaire parthe est toujours prestigieuse et le jeune empereur, désormais seul au pouvoir, entend faire rejaillir ce prestige sur sa personne et incarner le nouvel Alexandre.
Dion Cassius précise dans le livre LXVIII qu'un lion descendit de la montagne et combattit aux côtés de l'armée romaine. Il semble en effet que des lions vivaient encore dans ces régions de l'Asie à cette époque. Caracalla a dû y voir un présage divin et croire que Sol l'accompagnait au combat.
On notera aussi que plusieurs légions utilisaient le lion comme emblème distinctif, comme la IIII Flavia Felix, VII Claudia ou la XIII Gemina.


n° C102

Dénomination: Denier

Empereur: Caracalla

Avers: ANTONINVS PIVS AVG GERM - Tête laurée à droite.

Revers: P M TR P XVIIII COS IIII P P - Lion radié passant à gauche, tenant un foudre dans sa gueule.

Atelier (année de frappe): Rome (216)

Références: RSC 367 (55£) - RIC 283c (R) - BMC 178 - Hill 1550 (R3) - BnF 6857-8

Caractéristiques: Argent, 20mm, 3.53g, 12h - Ex. Gorny & Mosch Auktion 200 n°2670

Commentaire:

Le lion, roi des animaux, est dans de nombreuses civilisations un symbole de force et de majesté. Le premier des travaux d'Hercule est le combat contre le lion de Némée. Après sa victoire, le héros se revêt de sa dépouille et cet attribut sera repris par tous ceux qui se revendiqueront d'Hercule, d'Alexandre le Grand à Maximien, en passant par Commode. La tête ci-dessous, oeuvre romaine du Ier siècle ap. J.-C., est celle du roi du Pont, Mithridate VI (120-63 av. J.-C.). A l'image d'Alexandre sur ses monnaies ou du modèle Heracles, ce souverain est coiffé de la léonté, la dépouille du lion de Némée.


Mithridate VI Eupator, roi du Pont (Musée du Louvre, Paris)

Caracalla, grand admirateur d'Alexandre, au moment de lancer sa campagne parthique n'hésite pas à faire représenter un lion sur ses monnaies. Ce lion est également un symbole solaire de par la couleur fauve de sa fourrure. Sur l'animal représenté sur ce denier, des rayons entourent sa tête. On notera aussi que le soleil se lève à l'est, là précisément où l'empereur conduit ses soldats face à l'Empire parthe.
Les Achéménides qui ont précédé les Parthes sur le territoire perse et ont dû affronter le jeune roi macédonien Alexandre ont également laissé des vestiges qui ont certainement impressionner les soldats macédoniens, comme la célèbre frise des lions en briques siliceuses à glaçure du palais de Darius Ier à Suse (vers 510 av. J.-C.).


Frise des lions, cour orientale du palais de Darius Ier à Suse (Musée du Louvre, Paris)

dimanche 22 janvier 2012

Un fratricide chez les Sévères: le meurtre de Géta par Caracalla

En 211, Géta et Caracalla rentrent à Rome avec les cendres de leur père Septime Sévère mort de maladie à Eboracum (actuelle York) le 4 février au cours de la campagne de Bretagne.
Sur ce denier daté de cette année-là (TR P III = troisième puissance tribunicienne), Géta arbore les titres d'Auguste (il a été promu en 209 = TR P) et de Britannicus pour les victoires romaines dans cette province du nord de l'Empire. Au revers P P pour Pater Patriae précise un peu plus la date de frappe de cette monnaie: forcément postérieure à la mort de de son père qui possédait ce titre. Il partage cet honneur d'être "Père de la Patrie" avec son frère aîné qui ne va pas tarder à se débarrasser de son cadet.


n° G34 

Dénomination: Denier

Empereur: Géta

Avers: P SEPT GETA - PIVS AVG BRIT - Tête laurée à droite.

Revers: FORT RED TR P III COS II P P - Fortuna assise à gauche, tenant un gouvernail de la main droite et une corne d'abondance de la gauche; sous le trône, une roue.

Atelier (année de frappe): Rome (211)

Références: RSC 59 (50£) - RIC 76 (C) - BMC p.421,* - Hill 1263 (R4) - BnF /

Caractéristiques: Argent, 18mm, 3.23g, 6h. ; Ex. HD Rauch Auction Numismata 2011 n°325.

Note: Précisons que ce denier est absent des deux grandes collections institutionelles que sont le British Museum et la Bibliothèque nationale de France. Il existe aussi une variante sans la roue sous le trône (BnF, Paris).

Commentaire:
Quand cette monnaie est frappée, les deux jeunes empereurs qui règnent désormais conjointement sont déjà arrivés à Rome. La Fortune est ainsi remerciée pour le retour sans encombres dans l'Urbs. Pourtant la haine entre les deux frères est trop forte. Certainement au tout début de l'année 212, Caracalla assassine son jeune frère. Les faits sont longuement relatés par Hérodien:
"Enfin, impatient de régner seul et dominé par sa violente ambition, Antonin se détermina à porter un coup décisif, funeste à son rival ou à lui-même, et à ne plus employer d'autre arme que le fer, d'autre moyen que le meurtre.
Il avait vu ses manœuvres secrètes échouer; il voulut recourir, dans l'aveuglement de son ambition, à un acte de désespoir. Il envahit soudainement la chambre de son frère, qui ne s'attendait à rien de semblable; il frappe Géta d'un coup mortel ; l'infortuné tombe et inonde de sang le sein de sa mère. Antonin, après avoir commis le crime, s'échappe aussitôt et parcourt le palais, s'écriant qu'il vient d'être préservé du plus grand péril, et qu'il n'a sauvé sa vie qu'avec peine. En même temps il ordonne à ses gardes de l'entraîner avec eux dans le camp, seule retraite, disait-il, qui pût garantir ses jours et le défendre ; car s'il restait au palais il était perdu. Les soldats ajoutent foi à sa frayeur, et, ignorant ce qui venait de se passer dans l'intérieur du palais, se précipitent sur ses pas et l'accompagnent. Le peuple, cependant, s'agite, étonné de voir l'empereur s'élancer en fuyard à travers la ville."
Dans ce récit, Caracalla tue son frère de ses propres mains, nous sommes en pleine trgédie grecque ! L'histoire est un peu différente chez Dion Cassius qui revient également longuement sur les événements. Pour lui, si Caracalla est bien le commanditaire du meurtre, il laisse à d'autres la sale besogne: "Antonin avait eu l'intention d'assassiner son frère pendant les Saturnales, mais il ne le put pas, parce que le crime aurait été trop manifeste pour être caché ; à partir de ce moment, il y eut entre eux des combats semblables à ceux de gens qui cherchent à se surprendre mutuellement, beaucoup de précautions prises pour se garantir contre son rival.
Mais, comme des soldats et des gladiateurs en grand nombre gardaient Géta nuit et jour, tant au dehors que dans sa maison, Antonin persuada à sa mère de les convoquer tous les deux, seuls, dans sa chambre, afin d'amener une réconciliation. Géta, s'étant laissé persuader par cette offre, vint avec son frère ; mais ils ne furent pas plutôt entrés qu'une troupe de centurions, apostés par Antonin, s'élança et massacra Géta qui, à leur vue, s'était réfugié auprès de sa mère, et, suspendu à son cou, attaché à sa poitrine et à son sein, poussait des cris lamentables : « Mère, ô ma mère, toi, ô toi qui m'as enfanté, viens à mon secours, on m'égorge. » Julia, ainsi abusée, eut la douleur de voir son fils tué entre ses bras par le crime le plus impie, et elle reçut, pour ainsi dire, la mort dans ces mêmes entrailles où elle lui avait donné le jour ; car, elle fut couverte tout entière de son sang, en sorte qu'elle compta pour rien une blessure qui lui avait été faite à la main."

dimanche 15 janvier 2012

Vénus heureuse sur deux deniers de Julia Domna à Rome et Alexandrie

Vénus est dite ici "heureuse", car elle a remporté le titre de plus belle des déesses face à ses "rivales" Minerve et Junon. La déesse de l'Amour et de la Beauté a usé de tous ses charmes pour l'emporter, on la voit d'ailleurs relever sur cette monnaie la draperie qui couvre son épaule et tenir en main la "pomme de la Discorde", prix de ce concours des "miss de l'Olympe". Mais, surtout elle a promis à Pâris qui avait été désigné arbitre de la confrontation, la main d'Hélène, reine de Sparte et épouse de Ménélas. Ce jugement va entraîner la guerre de Troie et par ricochet être aux origines de Rome, par la fuite du prince troyen Enée à l'issue de la victoire des Grecs.
Vénus est très utilisée sur leurs monnaies par les impératrices avec différents épithètes: Victrix, Genetrix, etc. Felix attribue ainsi les pouvoirs de Felicitas, c'est-à-dire le bonheur, à son porteur. Vénus est donc heureuse, mais aussi l'impératrice, et de par son mariage avec l'empereur qui règne sur le monde, elle étend cette bénédiction sur l'ensemble des femmes de l'Empire. Ce bonheur est bien sûr celui d'être épouse et d'avoir des enfants...


n°J43



n°J3

Dénomination: Denier

Impératrice: Julia Domna

Avers: IVLIA - AVGVSTA - Buste drapé à droite.

Revers: VENVS - FELIX - Vénus drapée debout à gauche, tenant une pomme de la main droite et ramenant sa robe sur son épaule de la gauche.

Atelier (année de frappe): J43: Alexandrie (195) ; J3: Rome (199)

Références: J43: RSC 198var. - RIC / - BMC / - BnF / ; J3: RSC 198 (25£) - RIC S580 (S) - BMC SC85-9 - Hill 379 (C) - BnF 6656

Caractéristiques: J43: Argent, 18mm, 2.8g, 5h - Ex. HD Rauch Auction 88 n°45 ; J3: argent, 17mm, 3.02g, 12h.

Commentaire:

Le type n'est mentionné dans les ouvrages de référence que pour l'atelier de Rome. Or il est apparaît clairement que deux styles différents sont à distinguer. Le portrait de la première (J43) est à rattacher aux monnaies d'Alexandrie. R. Bickford-Smith a publié dans la Rivista Italiana di Numismatica e Scienze Affini au milieu des années 1990 un article de référence sur les monnaies de Septime Sévère frappées dans les ateliers orientaux. Il a permis d'ajouter un grand nombre de monnaies au répertoire des deniers syriens et alexandrins qui datait un peu depuis les travaux de Mattingly pour le RIC et le BMC. Ce type avec Vénus est placé dans la troisième phase de l'atelier, dans les premiers mois de 195 et peu avant sa fermeture. Pour son époux, les types utilisés dans cette phase sont ceux de l'atelier de Rome exclusivement. Pour Domna, seul ce type est rattaché à cette phase et il a également son prototype romain (J3). Cependant, Hill le date de 199, ce qui semble incompatible avec ce que l'on observe à Alexandrie. Notons que pour le denier alexandrin, il semble relativement abondant avec la légende longue IVLIA AVGVSTA. Néanmoins, il existe aussi avec la légende courte antérieure, mais cette dernière n'a pas dû être utilisée très longtemps avec ce type car elle est beaucoup plus rare.
La statue ci-dessous représente Vénus Felix à moitié déshabillée et accompagnée de son fils Cupidon (Eros).


Statue de Vénus (Musée Pio Clementino, Vatican)