dimanche 23 juin 2013

La Lune et la Grande Ourse sur un denier de Septime Sévère frappé à Emèse

La représentation d'objets stellaires sur les monnaies commence dès la République et continue sous l'Empire, mais sont relativement peu fréquentes au total. Le monnayeur L. Lucretius Trio au premier quart du Ier siècle av. J.-C. a frappé une monnaie avec le buste de Sol à l'avers et le croissant de lune accompagné de sept étoiles au revers, mais disposées différemment que sur le denier de Sévère. Il s'agit d'une représentation des septem triones (les sept boeufs de labour) dont le nom évoque un boeuf tournant sur une aire à battre le blé, image que les Anciens ont repris pour l'étoile polaire tournant autour des six autres étoiles de la constellation. Et en effet, une étoile est au centre de la composition. Ce nom de septem triones, formant aussi un jeu de mot avec le nom du monnayeur républicain, a donné le terme de septentrion pour désigner le nord, l'étoile polaire étant le pôle nord céleste. Certains auteurs interprètent les étoiles comment étant les corps célestes connus dans l'Antiquité: Soleil, Lune, Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne. Dans ce cas, la Lune serait répétée avec la présence du croissant.


n° S33

Dénomination: Denier

Empereur: Septime Sévère

Avers: IMP CAE L SEP SEV - [PERT AVG COS] II - Tête laurée à droite.

Revers: SAECVL F[EL]ICIT . - Croissant de lune surmonté de sept étoiles.

Atelier (année de frappe): Emèse (194)

Références: RSC 628a (30£) - RIC 417 (S) - BMC W390-1 - BnF 6514-6

Caractéristiques: Argent, 17mm, 2.86g, 12h - Ex. CGB Rome XVI n°204.

Commentaire:

Ce type fait partie du programme sévérien annonçant l'aube d'un nouvel âge d'or, comme Virgile dans la quatrième églogue au sujet d'Auguste. La légende SAECVLI FELICITAS y fait référence: "le bonheur du siècle". En latin, saeculum désigne au départ la génération. L'empereur affirme ainsi que son règne va marquer le retour des temps heureux et qu'ils vont se prolonger par l'installation de sa dynastie au pouvoir. Les corps célestes renvoient aussi à l'idée d'Aeternitas. Le début du nouveau Siècle commence lorsque les objets célestes reviennent à leur position initiale après leur périple dans les cieux. C'est l'éternel retour de l'ordre ancien, particulièrement attendu à une époque de troubles et de guerre civile. Dans ce cas, l'hypothèse des planètes avec le Soleil et la Lune est peut-être plus appropriée qu'une représentation de la Grande Ourse.
Le type de revers sur notre denier d'Emèse avait déjà été utilisé par Hadrien, avec la même disposition des objets célestes, mais une légende non explicite (COS III). Septime Sévère se rattache ainsi à la prestigieuse dynastie des Antonins qui l'a précédé, mais en explicitant son programme. Cependant, ce denier n'est connu que pour l'atelier d'Emèse  (on ne le retrouve pas à Rome) et a probablement un message adapté aux populations orientales. En effet, on le trouve quasiment au même moment sur les monnaies d'Antioche de l'usurpateur Pescennius Niger. On peut donc y voir aussi les influences religieuses syriennes où les astres ont une importance de premier ordre.

dimanche 16 juin 2013

Un palmier pour une victoire britannique sur un denier de Septime Sévère (Rome, 210)

Dans sa monographie consacrée au monnayage romain de Septime Sévère et sa famille, P. V. Hill place ce denier en 210 dans une émission spéciale célébrant les victoires impériales en Bretagne. Selon lui, une première émission avait eu lieu un peu plus tôt dans l'année. Les victoires en Bretagne sont l'occasion pour le pouvoir de faire connaitre les succès militaires en multipliant les représentations de Victoria sur les monnaies. Accompagnées de la légende explicite VICTORIAE BRIT (à la Victoire britannique), la déesse de la victoire revêt des positions variées, assise ou debout, à gauche ou à droite, avec ou sans éléments adjoints tels des trophées ou captifs. On notera à l'avers la présence du titre de vainqueur des Bretons (BRIT) que l'empereur arbore sur sa titulature à partir de cette année 210.


n° S72

Dénomination: Denier

Empereur: Septime Sévère

Avers: SEVERVS PIVS - AVG BRIT - Tête laurée à droite.

Revers: VICTORIAE - BRIT - Victoria à moitié nue, debout de face, tête à droite, tenant une palme de la main droite, le bras gauche le long du corps; à droite, un bouclier attaché à un palmier.

Atelier (année de frappe): Rome (210)

Références: RSC 729 (70£) - RIC 337 (S) - BMC G58 - Hill 1139 (R) - BnF 6541-2

Caractéristiques: Argent, 18mm, 3.16g, 6h - Ex. Gorny & Mosch Auktion 170 n°2436

Note: on notera la présence d'une variante où le bras gauche de Victoria au lieu d'être le long du corps, attache le bouclier à l'arbre.

Commentaire:

Victoria, équivalent romain de la grecque Nikê, est représentée ailée portant palme et couronne, attributs dédiés aux vainqueurs. Elle est représentée ici à demie-nue à côté d'un arbre portant un bouclier. Nous sommes en présence du trophée primitif qui consistait à attacher des armes à un arbre le rendant ainsi anthropomorphe. L'arbre a ici l'allure d'un palmier, ce qui est curieux puisqu'il ne correspond pas à un végétal poussant dans les îles britanniques! En fait les graveurs ont repris un type émis en 207 sur de possibles victoires en Afrique. Ils ne connaissaient sans doute pas la végétation de ces provinces du nord, le palmier permettant certainement d'introduire de l'exotisme et de la distance.