dimanche 27 juin 2010

Minerve sur un denier de Géta (Rome, 205)

Minerve, fille de Jupiter, est une divinité particulièrement bien représentée dans le monnayage des héritiers à la pourpre jusqu'à devenir parfois le thème prédominant des revers. On pense dans ce cas à Domitien qui vouait un culte important à sa déesse protectrice, jusqu'à pratiquement monopoliser la propagande monétaire même lorsque ce Prince deviendra seul Auguste. Pour les enfants de Septime Sévère, il en est tout autrement. Bien que Minerve soit bien présente, elle est associée à de nombreux autres types de revers afin de fournir une propagande plus complexe. En  tout état de cause, Minerve indique qu'en tant que Prince, Géta est amené un jour à prendre part au gouvernement du monde. Il est à noter que dans la famille impériale, Géta est seul à utiliser cette légende avec le nom complet de la déesse. Son frère aîné avait utilisé quelques années plus tôt la légende MINER VICTRIX avec Minerve devant un trophée.


n° G30

Dénomination: Denier

Empereur: Géta

Avers: P SEPTIMIVS - GETA CAES - Buste, tête nue, drapé à droite.

Revers: MINE-RVA - Minerve debout à gauche, appuyée sur un bouclier et tenant une haste de la main gauche.

Atelier (année de frappe): Rome (205)

Références: RSC 77 (40£) - RIC 46 (S) - BMC S454 - Hill 760 (R) - BnF 7039

Caractéristiques: Argent, 19mm, 2.96g, 12h. - Ex. Chris' Numismatique - Ex. CGB Rome VIII n°255

Note: Ce type existe aussi avec les titulatures GETA CAES PONT COS et GETA CAES PONTIF. On peut noter que sur la période Auguste-Emilien couverte par l'atlas des types de F. Schmidt-Dick, ce type apparait sous Septime Sévère et n'a pas de descendance.

Commentaire:

Minerve est revêtue d'une grande importance dans la religion romaine, car elle fait partie avec Jupiter et Junon de la triade capitoline. La cella de droite du temple du Capitole était dédiée à Minerve. Cette déesse est traditionnellement représentée casquée, habillée du chiton sur lequel repose l'égide et tenant une lance et un bouclier. Minerve est la déesse de la sagesse, des arts et des sciences. Mais c'est aussi une divinité guerrière comme le montre ces attributs. Cependant, contrairement au fouguex Mars son demi-frère, elle symbolise plutôt l'intelligence au combat. Elle vient d'ailleurs régulièrement en aide aux héros en les conseillant ou en leur faisant cadeaux d'armes magiques. Assimilée à la grecque Athena, elle est sortie de la tête de son père, armée et poussant un cri de guerre. Elle a pour emblème animal la chouette mais aussi le serpent. Son utilisation dans le monnayage romain est avant tout guerrier, mais également afin d'assurer au peuple la sagesse du Prince dans la conduite de son gouvernement.


Statue de Minerve "Athena Giustiniani" (Braccio Nuovo - Vatican)

dimanche 20 juin 2010

La Victoire dans un bige: une référence à des combats africains? (denier de Septime Sévère - Rome 207)

Cette monnaie est non datée, au droit la légende SEVERVS PIVS AVG est active entre 201 et 210. Le revers est consacré à la Victoire des Augustes (le redoublement du G final marque le pluriel). Or il y a peu de campagnes militaires durant ces presque dix années. Hill place ce denier dans une émission spéciale consacrée à des victoires en Afrique en 207, année où il y a deux Augustes, Septime Sévère et son fils aîné Caracalla. Ce qui est curieux, c'est l'utilisation d'un type aussi exceptionnel pour une campagne militaire somme toute mineure. En effet, aucun auteur n'évoque de combats militaires entre le triomphe parthique à l'orée du IIIème siècle et la campagne de Bretagne à partir de 208. Néanmoins des documents numismatiques remplissent les vides! En l'occurrence, des monnaies de 207 (quinzième puissance tribunicienne) évoquent la présence de l'empereur sur le continent africain et les accents martiaux des types monétaires ne laissent planer aucun doute quant à la raison de la présence de Sévère dans cette province (revers avec Africa, l'empereur à cheval combattant, trophée, Victoire). Tout le problème est de savoir si la Victoire dans le bige est à rattacher à ces événements ou si elle fait référence à une victoire ultérieure durant la guerre en Bretagne.
Mattingly, quant à lui dans le BMC, place en effet cette monnaie en 210 dans le cadre de la campagne britannique. Une étude approfondie (peut-être réalisée par l'un des deux auteurs?) des coins d'avers permettrait de trancher cette question. Il faudrait donc trouver des coins de droit reliant cette monnaie non datée à d'autres parfaitement datés par la titulature continuant sur les revers.


n° S74

Dénomination: Denier 

Empereur: Septime Sévère

Avers: SEVERVS - PIVS AVG - Tête laurée à droite.

Revers: VICTORIAE // AVGG - Victoria dans un bige au galop à droite, tenant les rênes de la main gauche et un fouet de la droite.

Atelier (année de frappe): Rome (207)

Références: RSC 713 (55£) - RIC 299 (S) - BMC 370 - Hill 900 (R3) - BnF 6535

Caractéristiques: Argent, 19mm, 2.68g, 6h. - Ex. Lanz Auktion 144 n°543

Note: ce type existe aussi pour Caracalla et Géta en aureus, sesterce et as. Pour l'argent, seul Caracalla est répertorié, cependant ce type devrait également exister pour Géta.

Commentaire:

Sur les monnaies impériales, la Victoire est généralement debout, parfois assise ou volant, mais elle est plus rarement sur un char. Ce type est inauguré à l'époque impériale par Sévère et sera très peu repris par ses successeurs, il faut attendre Valérien pour revoir la Victoire sur un bige sur une monnaie, d'ailleurs avec la même légende. Cependant ce type était très populaire à l'époque républicaine où il apparait sur des deniers anonymes au milieu du IIème siècle av. J.-C. pour ensuite être abondamment repris par de nombreux monétaires. Ce type, parmi les premiers représentés sur les deniers (avec les Dioscures, Luna sur son char, etc.) étaient en fait imposés par la Moneta de Rome ce qui limitait l'originalité des revers. Les types se diversifieront un peu plus tard avec une certaine "émancipation" des monétaires.

Denier du monétaire Spurius Afranius, vers 150 av. J.-C. (Coll. Christophe Oliva)

dimanche 13 juin 2010

L'apparition de Jupiter dans le monnayage de Caracalla en 214

Cette pièce se place au sein de la 6ème émission du règne de Caracalla seul, la toute première de 214. Les émissions qui suivront cette année-là sont des émission spéciales: victoires germaniques et libéralité associée, voeux de santé. Jupiter représente 27% des types datés de 214 au sein du trésor de Marcianopolis (Reka-Devnia en Bulgarie, 1929) qui est le trésor de référence de la période. Cela représente 74 deniers sur 275. Les autres types majoritaires sont Apollon (33%) et le Génie du Sénat (29%). Jupiter fait donc une apparition remarquée et massive dans le monnayage d'argent de Caracalla durant cette année 214 (hormis le type avec la statue de Jupiter dans son écrin en 206 et la légende IOVI SOSPITATORI). Cette arrivée était précédée par un Jupiter Victor sur des aurei en 212. Jupiter ne quittera plus le devant de la scène, c'est-à-dire le revers des monnaies impériales jusqu'à la mort de Caracalla en 217. 


n°C42

Dénomination: Denier

Empereur: Caracalla

Avers: ANTONINVS PIVS AVG GERM - Tête laurée à droite.

Revers: P M TR P XVII - COS IIII P P - Jupiter, nu, excepté un manteau sur l'épaule, debout à gauche, tenant un foudre de la main droite et un long sceptre de la gauche, un aigle à ses pieds.

Atelier (année de frappe): Rome (214)

Références: RSC 239 (25£) - RIC 240 (C) - BMC 94 - Hill 1402 (C) - BnF 6804-5

Caractéristiques: Argent, 19mm, 3.59g, 6h. - Ex. Divus Numismatik

Commentaire:

Jupiter, en tant que dieu des dieux est très souvent pris comme protecteur par les empereurs tout comme les impératrices se placent volontiers sous le patronage de son épouse, Junon. Ce dieu symbolise le pouvoir suprême désormais aux mains de Caracalla.Ce pouvoir sur le monde est symbolisé par l'attribut principal de Jupiter: le foudre. Il est ainsi dénommé Iuppiter fulgurator. Ce foudre (au masculin), qui représente l'élément métérologique foudre (au féminin) crainte des hommes, est généralement représenté sous la forme d'un faisceau de flèches enflammées et zigzagantes.
La statue ci-dessous représente Jupiter brandissant un foudre. Cependant, le bras droit a été rajouté sur cette statue du milieu du IIè siècle ap. J.-C., peut-être à l'origine d'Asclépios, par le sculpteur Granier vers 1686.


Statue du Jupiter de Smyrne (Musée du Louvre, salle du Manège - Paris)

samedi 5 juin 2010

Emèse atelier monétaire et sanctuaire d'Elagabale - Spes sur un denier de Septime Sévère

Ce denier a été frappé à Emèse (aujourd'hui Homs en Syrie), ville natale de la femme de Septime Sévère, Julia Domna, au tout début de son règne. Au revers l'Espérance, bénit les entreprises de Septime Sévère au moment où il combat son rival Pescennius Niger. L'ensemble des monnaies que l'on considère comme étant frappées à Emèse forme une entité bien constituée: style, types utilisés, traitement des légendes. Cependant, l'attribution à la cité d'origine de Julia Domna est conjecturale, mais il apparait évident qu'il s'agit d'une ville syrienne. L'étude des trésors trouvés à Dura montre que les monnaies attribuées à Emèse sont bien plus nombreuses dans les dépôts que celles de Laodicée, ce qui suggère que l'atelier dont sortent ces monnaies est plus près de Dura ou du moins plus facile d'accès que Laodicée. Un auteur comme Bellinger suggère plutôt la ville de Zeugma comme atelier monétaire pour ces deniers.


n°S28

Dénomination: Denier

Empereur: Septime Sévère

Avers: IMP CAE L SEP SE-V PERT AVG COS II - Tête laurée à droite.

Revers: BONA - SPES - L'Espérance marchant à gauche, tenant une fleur et relevant sa robe.

Atelier (année de frappe): Emèse (194)

Références: RSC 58 (30£) - RIC 364 (S) - BMC W340 - BnF 6279

Caractéristiques: Argent, 17mm, 2.9g, 12h.

Note: On notera la façon dont le S de SPES est formé avec l'adjonction d'un I. La lettre ainsi formée fait penser au sigma minuscule. Ce type de graphie est typique des ateliers orientaux hellénophones.

Commentaire:

Emèse a très vite adhéré à la cause de Septime Sévère après sa prise de pouvoir en 193. Julia Domna est originaire de cette ville et fait partie de la lignée des prêtres-rois qui dominaient la ville. Un bétyle (littéralement "maison de dieu"), pierre noire conique, météorité tombée du ciel, y est adoré comme étant la demeure d'un dieu: Elagabale. Voici comment Hérodien décrit la pierre: "Ils lui ont élevé un temple immense, décoré d'une grande quantité d'or et d'argent et éblouissant de pierres précieuses. Le dieu n'est pas adoré seulement par les indigènes ; mais tous les satrapes et les rois barbares des contrées voisines lui envoient à l'envi chaque année de magnifiques présents. On ne voit pas dans le temple, comme chez les Grecs et les Romains, de statue faite à l'image du dieu par la main d'un artiste habile; mais on y remarque une grande pierre, ronde par le bas et se terminant en pointe : elle a la figure d'un cône; sa couleur est noire : les habitants se glorifient de cette pierre, qu'ils disent tombée, du ciel ; ils font voir aux étrangers qui la considèrent quelques inégalités, quelques formes peu apparentes. Ils affirment que c'est une image imparfaite du soleil, et ils la révèrent à ce titre."