dimanche 19 juin 2011

Une monnaie exceptionnelle: les Jeux du Cirque sur un denier de Caracalla

Ce type monétaire, partagé entre Septime Sévère et ses deux fils, est unique dans le monnayage romain. C'est en effet une des monnaies romaines les plus spectaculaires et les plus convoitées par les collectionneurs. Le sujet est en effet inhabituel sur les monnaies: les jeux du Cirque. De plus, la foule de détails est rare sur des objets de moins de 20mm de diamètre que sont les deniers, mais plus courants sur les grands bronzes ou les médaillons. On y voit donc un navire entouré d'animaux et de quadriges. Cet étrange iconographie relate en fait un événement historique: des festivités grandioses organisées par Septime Sévère au Circus Maximus. Cependant les chercheurs ne sont pas tous d'accord sur la date des événements relatés: les festivités de 202 suite au triomphe parthique de l'empereur, du mariage de son fils aîné avec la fille du Préfet du Prétoire et ses décennales ou bien les Jeux Séculaires de 204. Dion Cassius place plutôt ces jeux en 202: "Il y eut aussi alors des spectacles de toute sorte, à l'occasion du retour de Sévère, de la dixième année de son règne et de ses victoires. Dans ces jeux, luttèrent entre eux, au commandement, soixante sangliers appartenant à Plautianus ; on y égorgea quantité d'autres bêtes, ainsi qu'un éléphant et un crocotas ; ce dernier animal vient de l'Inde, et ce fut alors la première fois, que je sache, qu'il fut amené à Rome ; sa couleur est un mélange de celle de la lionne et de celle du tigre, sa figure est un composé tout particulier de ces animaux, du chien et du renard. La cage entière, construite dans l'amphithéâtre en forme de vaisseau, de manière à recevoir quatre cents bêtes et à les lâcher tout d'un coup, s'étant subitement ouverte, il s'en élança des ours, des lionnes, des panthères, des lions, des autruches, des onagres, des bisons (espèce de boeuf barbare de nature et d'aspect), en sorte qu'on vit courir à la fois et égorger tous les sept cents animaux, tant sauvages et domestiques ; car leur nombre, en raison des sept jours que dura la fête, se monta à sept cents." Mais il est tout à fait possible qu'il ait fait un amalgame avec les Jeux de 204. Toujours est-il que le type monétaire "colle" de façon saisissante avec le déroulement des Jeux et le récit qu'en fait Dion Cassius : sept espèces animales s'échappent du navire dans le texte et on les retrouve bien sur la monnaie: une autruche, un lion, un onagre sur la gauche, le buffle chargeant à droite avec certainement une panthère juste au-dessus. Lionne et ours sont plus difficilement discernables sous la structure navale. Hill classe cette monnaie dans une émission spéciale de 206 célébrant les quindecennalia de Sévère et les decennalia de Caracalla à venir l'année suivante.


n° C83

Dénomination: Denier

Empereur: Caracalla

Avers: ANTONINVS PIVS AVG - Tête laurée à droite.

Revers: LAETITIA // TEMPORVM - Galère voguant à gauche, entourée de quatre quadriges de course de part et d’autre et d’animaux sauvages à l’exergue qui défilent.

Atelier (année de frappe): Rome (206)

Références:  RSC 118 (225£) - RIC 157 (R3) - BMC S508 - Hill 793 (R4) - BnF 6733

Caractéristiques: Argent, 20mm, 3.3g, 7h - Ex. Coll. F. Weber.

Note: Cette monnaie est classée rarissime par tous les ouvrages, mais on trouve malgré tout des exemplaires dans les grandes collections institutionnelles ou lors de récentes grandes ventes. On peut mentionner cependant que ce denier semble plus rare que celui de son père, mais plus courant que celui de son frère cadet.

Commentaire:

La scène se déroule bien au Cirque maxime, les chars sur le haut du revers sont là pour le rappeler. Mais surtout, on distingue parfaitement bien les aménagements au centre de la piste (spina). En effet, l'obélisque central de Ramsès II sert de mât au bâteau, et à la proue et la poupe, on voit bien les metae, bornes coniques autour desquelles viraient les attelages. Entre les deux, diverses installations sont présentes, mieux visibles sur les aurei: édicules ou petits sanctuaires.


Revers d'un aureus de Caracalla (Numismatica Ars Classica)



Obélisque de Ramsès II  en provenance d'Héliopolis et qui se trouvait à partir de 10 av. J.-C. au centre de la spina du Circus Maximus. Il est installé depuis 1589 sur la piazza del Popolo à Rome.

Le Circus Maximus est installé dans la vallée murcienne entre le Palatin et l'Aventin depuis le roi étrusque Tarquin l'Ancien au VIème siècle av. J.-C. D'abord en bois, les gradins (cavea) ont ensuite été construits en maçonnerie et pouvaient contenir 150000 spectateurs, ce qui en fait le lieu de spectacle le plus vaste de tous les temps, sa capacité ayant été portée à 350000 au IVème siècle ap. J.-C. Ses dimensions étaient colossales: 600m de long et 100m de large et il n'en reste de nos jours que de rares vestiges, mais surtout son empreinte. Notons enfin que Caracalla a de nouveau émis en 213 des aurei et sesterces avec une vue détaillée du Cirque afin de célébrer un récente restauration de l'édifice.


Le Cirque Maxime aujourd'hui à Rome



Revers d'un sesterce de Caracalla émis en 213 avec une représentation du Circus Maximus (Numismatica Ars Classica)

Sur une plaque en terre cuite servant de décoration et provenant de la collection Campana au Louvre, on peut observer une course de chars. On voit très bien sur la droite les trois metae où les attelages devaient effectuer leurs virages.


Course de quadriges sur une plaque en terre cuite (Musée du Louvre, Paris)

La présentation d'un autre denier de ce type sera l'occasion de présenter un peu plus en détail les spectacles se déroulant dans ce bâtiment hors normes.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire