lundi 9 juin 2014

A Mars Pacificateur sur un denier de Caracalla (Rome, 211)

La légende de ce denier au datif, MARTI PACATORI, "à Mars pacificateur", est explicite et parfaitement cohérente avec la représentation de Mars tenant un rameau d'une main et ayant déposé ses armes sur le côté. Le dieu de la guerre est ici représenté à moitié nu, comme c'est l'usage pour une divinité, et casqué. Cette image est cependant unique dans le monnayage romain: aucun autre empereur n'a utilisé avant lui cette représentation et elle sera sans postérité. On trouve en effet d'autres iconographies de Mars Pacator sur des monnaies impériales, mais où le dieu est en fait entièrement nu portant une draperie sur l'épaule et sans son bouclier (Commode ou Septime Sévère). La représentation la plus courante est celle où il est revêtu d'une cuirasse comme sur des monnaies de Sévère Alexandre, de Caracalla encore ou des "empereurs soldats" tels que Gordien III ou Trébonien Galle.


n° C113

Dénomination: Denier

Empereur: Caracalla

Avers: ANTONINVS PIVS - AVG BRIT - Tête laurée à droite.

Revers: MARTI - PA-CATORI - Mars, nu jusqu'à la taille, debout de face, tête casquée à gauche, tenant un rameau de la main droite et une haste de la main gauche qui repose contre un bouclier posé au sol. 

Atelier (année de frappe): Rome (211)

Références: RSC 149 (25£) - RIC 222 (S) - BMC SG81-6 - Hill 1294 (C) - BnF 6747-8

Caractéristiques: Argent, 18mm, 3.14g, 6h - Ex. Cayon Auction May 2012 n°4887.

Commentaire:

L'émission de ce denier, selon P. V. Hill, intervient à un moment où la campagne de Bretagne est terminée. Il place en effet ce denier durant le règne conjoint des deux frères ennemis Caracalla et Géta, peu après la mort de leur père à York le 4 février 211. Le message délivré par cette monnaie est en tout cas très clair et permet une alternative à la très classique Victoria. La campagne militaire que les Romains ont mené en Bretagne s'est soldée par le retour de la paix symbolisé par ce dieu guerrier: si vis pacem para bellum.

dimanche 23 février 2014

Le portrait de Julia Domna et Hilaritas sur un denier romain

Hilaritas, l'Allégresse, est une personnification célébrant la gaieté, l'enjouement. Elle est présente sur les monnaies de l'atelier de Rome plus particulièrement durant la période Hadrien - Commode. Julia Domna en fera abondamment usage sur ses deniers de Rome ou Laodicée et ce aussi bien durant le règne de son mari, Septime Sévère que celui de son fils, Caracalla. L'attribut principal de l'Allégresse est la longue feuille du palmier. Elle porte sur ce denier de l'atelier romain un sceptre long, mais elle peut tout aussi porter une corne d'abondance comme sur ce denier syrien. L'atelier de l'Urbs a aussi frappé ce type, mais très vraisemblablement quelques années plus tôt.


n° J20

Dénomination: Denier

Impératrice: Julia Domna

Avers: IVLIA - AVGVSTA - Buste drapé à droite.

Revers: HIL-A-RITAS - Hilaritas debout de face, tête à gauche, tenant une longue palme de la main droite et un sceptre long de la gauche.

Atelier (année de frappe): Rome (202)

Références: RSC 76 (25£) - RIC S555 (C) - BMC S32-3 - Hill 563 (R) - BnF 6601.

Caractéristiques: Argent, 18mm, 3.35g, 6h - Ex. iNumis VSO 4 n°283.

Note: ce type existe, toujours en argent, sur un rare quinaire conservé à Vienne (RIC 555 - RSC 77).

Commentaire:

Le portrait de l'impératrice (M selon la codification de Hill) est ici de beau style avec une tête ronde. Durant cette période où l'impératrice a encore des traits jeunes (199-209), on notera que le traitement du portrait est très variable, plus sophistiqué en tout cas que durant la première période et aussi parfois idéalisé. C'est certainement le cas sur ce denier où l'on voit également nettement la mèche de cheveux sur la joue. Le style des portraits durant cette période, la plus faste du règne de Septime Sévère, est très inégal: très fin comme sur ce denier à extrêmement médiocre avec un buste petit et une tête allongée. Il ne semble pas y avoir de chronologie entre ces styles qui sont uniquement le fait de graveurs plus ou moins doués.


Buste de Julia Domna (Braccio Nuovo, Musées du Vatican)

dimanche 10 novembre 2013

Une émission posthume pour Caracalla frappée par Elagabale (Rome, 218)

Cette monnaie sort du cadre temporel du règne des premiers Sévères, mais elle représente néanmoins l'empereur Caracalla divinisé après sa mort. Comme le denier de Julia Domna, l'exemplaire présenté ici a sans doute été frappé en 218 par le fils de Julia Soaemias, cousine germaine de Caracalla, empereur connu sous le nom d'Elagabale. Les deux empereurs portent le même nom, Marc Aurèle Antonin, car Julia Maesa, soeur de Julia Domna, et ses filles font passer le petit Varius Avitus Bassianus pour un fils adultérin de Caracalla, en particulier auprès des soldats de la IIIème légion Gallica stationnée près d'Emèse où l'empereur Macrin les a reléguées.
Voici ce qu'en dit Dion Cassius, il parle d'ailleurs d'Elagabale en termes de "faux-Antonin":
"Les assiégés, en effet, à force de promener sur les remparts Avitus, que déjà ils appelaient M. Aurélius Antonin, de montrer de loin, comme étant son portrait, des images de Caracalla, enfant, dont il était, disaient-ils véritablement le fils [...]"
Hérodien évoque aussi cette usurpation de paternité:
"Cette femme [Julia Maesa], les voyant dans l'admiration de son enfant, leur fit un récit supposé ou véritable : elle leur annonça « que Bassianus était fils naturel d'Antonin, quoiqu'il passât pour le fils d'un autre ; qu'Antonin avait eu commerce avec ses filles qui étaient dans l'éclat de la jeunesse et de la beauté à l'époque où elle demeurait elle-même au palais avec sa sœur. » "
L'auteur de l'Histoire Auguste qui déteste Caracalla et Elagabale va même jusqu'à faire passer cette origine comme véritable!
Les chefs de la légion acclament finalement Elagabale empereur le 15 mai 218, par fidélité à Caracalla, aimé des légionnaires, mais aussi grâce à l'or donné par les princesses syriennes. Les partisans de ces dernières battent Macrin le 8 juin, elles ont réussi à remettre un "Sévère" au pouvoir.


n° C123 

Dénomination: Denier

Empereur: Caracalla

Avers: DIVO ANTONINO MAGNO - Tête nue à droite.

Revers: CONSECRATIO - Aigle de face, tête à droite, debout sur un globe.

Atelier (année de frappe): Rome (218)

Références: RSC 32 (350£) - RIC Sev Alex 717 (R2) - BMC Elag 7-8 - BnF 6692.

Caractéristiques: Argent, 18mm, 2.63g, 12h - Ex. fonds CGB.

Note: comme pour le denier de la divine Julia Domna, ce denier est classé au RIC par Mattingly et Sydenham en 1936 sous Sévère Alexandre, ce qui est bien tardif. Plus tard, les auteurs du catalogue du British Museum attribueront ces émissions posthumes à Elagabale en 218.

Commentaire:

Cette monnaie est assez rare, Cohen la cotait même 60 Frs. Il en est de même pour les émissions d'aes. Cette rareté est expliquée par les auteurs du BMC par la détestation des sénateurs envers Caracalla. Ils pensent, à juste titre, qu'ils ont dû voter l'émission monétaire correspondante sans enthousiasme voire même avec une certaine répulsion, car il existe en effet des sesterces, donc avec marques [Ex] S[enatus] C[onsulto], avec le portrait du divin Antonin.
Attardons nous justement sur ce portrait qui fait référence à Alexandre, modèle de Caracalla. Cela est d'ailleurs renforcé par la légende de droit DIVO ANTONINO MAGNO, "au divin Antonin le Grand". La barbe est plus soignée que sur les monnaies de son règne et il est tête nue, car désormais il siège au rang des dieux. C'est Macrin qui a divinisé Caracalla afin de plaire aux partisans des Sévères, mais il n'est certainement pas l'auteur des émissions monétaires.
L'aigle de Jupiter au revers est le médiateur entre l'empereur défunt et la divinité, c'est lui qui emmène son âme auprès du dieu des dieux. Au centre du plafond de l'arc de Titus, on voit d'ailleurs ce dernier emporté dans les cieux par l'animal tutélaire de Jupiter. Cette image fait référence à la fin de la cérémonie d'apothéose où un aigle s'envole du bûcher symbolisant l'âme portée au ciel au moment de la consumation de l'enveloppe corporelle du défunt. Certaines monnaies (comme un sesterce de Marc Aurèle) montrent l'empereur sur le dos de l'oiseau.


Apothéose de Titus au plafond de l'arc de Titus (Rome)

dimanche 20 octobre 2013

La transition des styles à l'atelier de Laodicée et Cérès sur un denier de Septime Sévère

La huitième acclamation impériale est datée du début de l'été et est remplacée après le 19 février 197 par la neuvième. C'est durant ces quelques mois que le style de l'atelier de Laodicée évolue. En effet, on trouve des deniers portant la marque IMP VIII à la titulature de droit qui sont indéniablement du très caractéristique "nouveau style" et d'autres qui sont encore marqués par l'ancien style plus fruste, initié au moment de l'ouverture de l'atelier au début du règne. Le denier présenté ici relève encore de l'ancien style, mais il a déjà évolué par rapport aux premiers deniers des années 194-195 où seule la légende d'avers permet de distinguer les monnaies d'Emèse, de celles de Laodicée. Je rappelle que l'attribution de ces deux ateliers aux villes syriennes est purement conjecturelle. 
On remarquera également l'erreur du graveur dans la légende de revers, écrivant ERVGIF au lieu de FRVGIF. Ce type d'erreur, typique des premières émissions orientales, la lettre F n'existant pas dans l'alphabet grec, ne se produira plus durant la période du nouveau style. On peut penser que des graveurs latins ou du moins latinisés ont alors remplacé les graveurs de Laodicée du début du règne.


S134 

Dénomination: Denier

Empereur: Septime Sévère


Avers: L - SEPT SEV PE-RT AVG IMP VIII - Tête laurée à droite.


Revers: CERE-R ERVGIF - Cérès debout de face, tête à gauche, tenant deux épis de blé de la main droite et une longue torche de la gauche.


Atelier (année de frappe): Laodicée (196-197)


Références: RSC 68e (35£) - RIC 475note (S) - BMC W441 - BnF /


Caractéristiques: Argent, 17mm, 3.04g, 6h - Ex. fonds CGB


Commentaire:

Cérès orne aussi bien des monnaies romaines et orientales de Julia Domna que des deniers exclusivement syriens de Septime Sévère. Dans ce dernier cas, les deux ateliers d'Emèse et Laodicée ont tous deux livré des exemplaires où la déesse de l'agriculture, des moissons et de la fécondité apparaît toujours comme sur notre exemplaire debout portant des épis de blé et une longue torche. Elle partageait son temple quelque part du côté de l'Aventin avec Liber et Libera. On retrouve ainsi la triade d'Eleusis: Déméter, Dionysos et Perséphone. Il semble que le culte qui y était donné soit demeuré grec. On signalera également que le 29 mai, une fête religieuse, les ambervalia étaient données en l'honneur de la déesse. Quand on sait l'importance de la nourriture dans une ville aussi peuplée que Rome sous l'Antiquité où les famines n'étaient pas rares, il n'est pas étonnant que l'empereur se préoccupe des moissons et fasse représenter Cérès sur ses monnaies.
Sur ses statues, Cérès porte fréquemment, outre les épis de blé et la torche, des pavots, symboles du sommeil qu'opère la Nature durant les mois d'hiver lorsque sa fille Proserpine rejoint son mari Pluton aux Enfers.

  
Statue de Cérès portant des épis de blé, des pavots et une torche (Musée du Louvre, Paris)