samedi 24 août 2013

La victoire parthique sur des deniers de Caracalla (Rome, 204)

L'Empire parthe se trouve aux confins orientaux de l'Empire romain et la question de cette frontière a souvent été une priorité pour les empereurs. A trois reprises, Septime Sévère effectue des campagnes militaires en Orient: la première en 193-194 (expeditio Asiana) contre son rival Pescennius Niger, la deuxième en 195 (expeditio Mesopotamena) contre les Parthes et leurs alliés (les Arabes et l'Adiabène) et enfin en 196-198 contre l'entité correspondant à l'Iran actuel (expeditio Parthica) et son chef le roi Vologèse IV.
A l'automne 198, une partie de l'armée embarqua sur l'Euphrate à bord de bateaux à fond plat construits pour l'occasion et l'autre partie suivit le cours du fleuve. L'armée romaine ne rencontra pas d'obstacles, car les Parthes reculèrent au fur et à mesure. Ils prirent ainsi Babylone puis poursuivant le long du canal royal qui relie l'Euphrate au Tigre, s'emparèrent de la double capitale Séleucie et Ctésiphon. L'empereur obtint une Xème puis une XIème acclamation impériale, et reçut de ses troupes le titre de Parthicus Maximus ("Très Grand Parthique") près de 81 ans jour pour jour après le grand Trajan. Il faut rappeler que l'empereur africain avait le désir de rapprocher sa famille de celle des Antonins afin de toujours plus garantir sa légitimité et de montrer ainsi une continuité du pouvoir. 
Voici comment Dion Cassius évoque les événements: 
"Les Parthes, sans attendre l'empereur, s'étant retirés chez eux  [...], [Sévère] à l'aide de bateaux qu'il construisit sur l'Euphrate, s'avançant par le fleuve et par terre le long de ses bords, ne tarda pas, grâce à la rapidité, à la vitesse et au bon aménagement de ces constructions, pour lesquelles la forêt qui borde l'Euphrate et les régions voisines lui fournissaient le bois en abondance, à se rendre maître de Séleucie et de Babylone qui avaient été abandonnées. Il s'empara aussi de Ctésiphon, dont il permit le pillage à ses soldats, il y fit un grand carnage, et prit vifs environ cent mille hommes. Néanmoins, il ne poursuivit pas Vologèse et ne conserva pas Ctésiphon ; mais, [..] il s'en alla [...] parce qu'il manquait du nécessaire ; il revint par un autre chemin."
Hérodien ajoute: 
"Dans l'enivrement de ce succès, il écrivit au sénat et au peuple, leur annonçant ses victoires avec emphase; il les fit même représenter sur des tableaux qui furent exposés publiquement. Le sénat lui décerna les plus grands honneurs, et le décora du surnom des peuples qu'il avait vaincus."
La Victoire Parthique apparaît sur les monnaies de Septime Sévère, mais aussi sur celles de son jeune fils et héritier Caracalla.


n° C118



n° C18

Dénomination: Denier

Empereur: Caracalla

Avers: ANTONINVS - PIVS AVG - Buste lauré, drapé à droite.

Revers: C 118: VICTORIA - PART MAX; C18: VICT PART MA-X - Victoria courant à gauche, tenant une palme de la main gauche et une couronne de la main droite.

Atelier (année de frappe): Rome (204)

Références: C118: RSC 661 (35£) - RIC 145 (R) - BMC S298-9 - Hill 684 (S2) - BnF 6974; C18: RSC 658 (30£) - RIC 144b (S) - BMC S296-7 - Hill 689 (S) - BnF 6973;Maspero 1967/630;J&M Delepierre 1966.

Caractéristiques: C118: Argent, 18mm, 3.7g, 1h, Ex. Cayon Auction May 2012 n°4944; C18: Argent, 18mm, 3.28g, 6h.

Note: Cohen cote la monnaie C118 le double (10f) du denier C18. Ils semble en effet que le denier à légende longue soit un plus rare que celui à légende courte.

Commentaire:

La célébration du triomphe sur les Parthes a eu lieu en 202 en conjonction avec le mariage de Caracalla et Plautille et l'anniversaire des dix années de règne de Septime Sévère. Ces deniers ont donc pu être frappés en 202 à cette occasion. Comme ils ne sont pas explicitement datés (la légende de droit jointe au buste drapé donne la fourchette 201-206), il est difficile de fournir une date précise sauf si l'on trouve des liaisons de coins avec des monnaies datées. C'est ainsi que Hill place ces deniers en 204 au sein de la 18ème émission. Le denier à légende longue VICTORIA PART MAX ferait partie d'un première groupe, suivi par une deuxième et troisième partie d'émission avec la légende courte VICT PART MAX. Il note également une évolution du portrait qui l'amène à distinguer deux groupes, l'exemplaire C18 étant certainement rattaché à la troisième partie de l'émission où le portrait semble plus âgé. Enfin, il faut noter une monnaie avec la tête de Caracalla (donc buste non drapé) trouvée dans le trésor de Marcianopolis et qui semble très rare si elle existe vraiment.

dimanche 23 juin 2013

La Lune et la Grande Ourse sur un denier de Septime Sévère frappé à Emèse

La représentation d'objets stellaires sur les monnaies commence dès la République et continue sous l'Empire, mais sont relativement peu fréquentes au total. Le monnayeur L. Lucretius Trio au premier quart du Ier siècle av. J.-C. a frappé une monnaie avec le buste de Sol à l'avers et le croissant de lune accompagné de sept étoiles au revers, mais disposées différemment que sur le denier de Sévère. Il s'agit d'une représentation des septem triones (les sept boeufs de labour) dont le nom évoque un boeuf tournant sur une aire à battre le blé, image que les Anciens ont repris pour l'étoile polaire tournant autour des six autres étoiles de la constellation. Et en effet, une étoile est au centre de la composition. Ce nom de septem triones, formant aussi un jeu de mot avec le nom du monnayeur républicain, a donné le terme de septentrion pour désigner le nord, l'étoile polaire étant le pôle nord céleste. Certains auteurs interprètent les étoiles comment étant les corps célestes connus dans l'Antiquité: Soleil, Lune, Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne. Dans ce cas, la Lune serait répétée avec la présence du croissant.


n° S33

Dénomination: Denier

Empereur: Septime Sévère

Avers: IMP CAE L SEP SEV - [PERT AVG COS] II - Tête laurée à droite.

Revers: SAECVL F[EL]ICIT . - Croissant de lune surmonté de sept étoiles.

Atelier (année de frappe): Emèse (194)

Références: RSC 628a (30£) - RIC 417 (S) - BMC W390-1 - BnF 6514-6

Caractéristiques: Argent, 17mm, 2.86g, 12h - Ex. CGB Rome XVI n°204.

Commentaire:

Ce type fait partie du programme sévérien annonçant l'aube d'un nouvel âge d'or, comme Virgile dans la quatrième églogue au sujet d'Auguste. La légende SAECVLI FELICITAS y fait référence: "le bonheur du siècle". En latin, saeculum désigne au départ la génération. L'empereur affirme ainsi que son règne va marquer le retour des temps heureux et qu'ils vont se prolonger par l'installation de sa dynastie au pouvoir. Les corps célestes renvoient aussi à l'idée d'Aeternitas. Le début du nouveau Siècle commence lorsque les objets célestes reviennent à leur position initiale après leur périple dans les cieux. C'est l'éternel retour de l'ordre ancien, particulièrement attendu à une époque de troubles et de guerre civile. Dans ce cas, l'hypothèse des planètes avec le Soleil et la Lune est peut-être plus appropriée qu'une représentation de la Grande Ourse.
Le type de revers sur notre denier d'Emèse avait déjà été utilisé par Hadrien, avec la même disposition des objets célestes, mais une légende non explicite (COS III). Septime Sévère se rattache ainsi à la prestigieuse dynastie des Antonins qui l'a précédé, mais en explicitant son programme. Cependant, ce denier n'est connu que pour l'atelier d'Emèse  (on ne le retrouve pas à Rome) et a probablement un message adapté aux populations orientales. En effet, on le trouve quasiment au même moment sur les monnaies d'Antioche de l'usurpateur Pescennius Niger. On peut donc y voir aussi les influences religieuses syriennes où les astres ont une importance de premier ordre.

dimanche 16 juin 2013

Un palmier pour une victoire britannique sur un denier de Septime Sévère (Rome, 210)

Dans sa monographie consacrée au monnayage romain de Septime Sévère et sa famille, P. V. Hill place ce denier en 210 dans une émission spéciale célébrant les victoires impériales en Bretagne. Selon lui, une première émission avait eu lieu un peu plus tôt dans l'année. Les victoires en Bretagne sont l'occasion pour le pouvoir de faire connaitre les succès militaires en multipliant les représentations de Victoria sur les monnaies. Accompagnées de la légende explicite VICTORIAE BRIT (à la Victoire britannique), la déesse de la victoire revêt des positions variées, assise ou debout, à gauche ou à droite, avec ou sans éléments adjoints tels des trophées ou captifs. On notera à l'avers la présence du titre de vainqueur des Bretons (BRIT) que l'empereur arbore sur sa titulature à partir de cette année 210.


n° S72

Dénomination: Denier

Empereur: Septime Sévère

Avers: SEVERVS PIVS - AVG BRIT - Tête laurée à droite.

Revers: VICTORIAE - BRIT - Victoria à moitié nue, debout de face, tête à droite, tenant une palme de la main droite, le bras gauche le long du corps; à droite, un bouclier attaché à un palmier.

Atelier (année de frappe): Rome (210)

Références: RSC 729 (70£) - RIC 337 (S) - BMC G58 - Hill 1139 (R) - BnF 6541-2

Caractéristiques: Argent, 18mm, 3.16g, 6h - Ex. Gorny & Mosch Auktion 170 n°2436

Note: on notera la présence d'une variante où le bras gauche de Victoria au lieu d'être le long du corps, attache le bouclier à l'arbre.

Commentaire:

Victoria, équivalent romain de la grecque Nikê, est représentée ailée portant palme et couronne, attributs dédiés aux vainqueurs. Elle est représentée ici à demie-nue à côté d'un arbre portant un bouclier. Nous sommes en présence du trophée primitif qui consistait à attacher des armes à un arbre le rendant ainsi anthropomorphe. L'arbre a ici l'allure d'un palmier, ce qui est curieux puisqu'il ne correspond pas à un végétal poussant dans les îles britanniques! En fait les graveurs ont repris un type émis en 207 sur de possibles victoires en Afrique. Ils ne connaissaient sans doute pas la végétation de ces provinces du nord, le palmier permettant certainement d'introduire de l'exotisme et de la distance.

dimanche 10 mars 2013

La Lune sur son char sur un antoninien de Julia Domna

La dualité Lune/Soleil est exprimée sur les premiers antoniniens aussi bien dans le choix des revers (Sol sur son quadrige, Luna sur son bige), que sur les avers. En effet, la marque du doublement de valeur de l'antoninien est, sur la tête de l'empereur, la couronne radiée, attribut principal du Soleil. Quant aux impératrices, elles se placent sous l'autorité d'une divinité féminine souvent représentée sur leurs monnaies, Diane (DIANA LVCIFERA) ou plus précisément ici, son avatar Luna. Luna est la déesse de la Lune chez les Romains et un temple lui était dédié sur l'Aventin. Avec son frère Sol, elle symbolise le cycle du jour et de la nuit ainsi que des saisons. Elle a été identifiée très tôt à Séléné ainsi qu'évidemment à Diane, soeur d'Apollon, lui-même identifié au Soleil. On voit en fait que la marque du double denier est répétée pour les impératrices. Les premiers antoniniens de Julia Domna ne comportaient que le buste drapé de l'impératrice, avec dans ses cheveux le stephané, un diadème en forme de croissant. Des méprises ont très certainement eu lieu au sein de la population et ont donc poussé les autorités à ajouter un deuxième élément distinctif en complément du diadème: le croissant de lune, pendant bien plus parlant de la couronne de rayons.


n° J30

Dénomination: Antoninien

Impératrice: Julia Domna

Avers: IVLIA PIA - FELIX AVG - Buste diadémé et drapé posé sur un croissant.

Revers: LVNA LVCIFER-A - La Lune, un croissant sur la tête et l'écharpe flottant autour de la tête, debout sur un bige au galop, à gauche.

Atelier (année de frappe): Rome (215)

Références: RSC 106 (85£) - RIC 379a (C) - BMC C9 - Hill 1471-2 (R) - BnF 6616-8;Armand Valton 1138 - Ex. CNG Electronic Auction 202 n°358 - Ex. White Mountain Coll.

Caractéristiques: Argent, 23mm, 5.48g, 7h. 

Note: le RSC distingue une variante où la Lune n'aurait pas son diadème, citant le BMC. Or, ce dernier ne mentionne pas cette variante qui de toute évidence ne pourrait être due qu'à l'usure. Hill indique aussi cette variante (n°1472) en indiquant que Luna avec le croissant est plus rare (R4). Les deux occurrences 1471 et 1472, ne font en fait qu'une et l'indice de rareté est donc erroné.  

Commentaire:

Luna Lucifera ("celle qui apporte la lumière") est représentée sur son char tiré par des chevaux volant dans les airs, car il n'y a pas de ligne d'exergue indiquant le sol. Caracalla, bien que privilégiant Sol sur les revers de ses monnaies, a également fait représenter la Lune dans un bige, mais tirée par deux taureaux sur certains de ces antoniniens, donc contemporains de notre monnaie.
On retrouve l'iconographie de Luna sur un bige, son écharpe volant au-dessus de sa tête diadémée, sur un des tondo de l'arc de Constantin, mais accompagnée de deux autres personnages (Oceanus et Hesperus). Il s'agit d'une représentation du coucher nocturne de la Lune descendant dans l'Océan, accompagnée de Vénus en tant qu'étoile du soir.


Luna sur un tondo de l'arc de Constantin (Rome)