lundi 23 juillet 2012

Une longue titulature au droit et Felicitas au revers sur un denier de Géta (Rome, 210)

Peu de monnaies de Géta Auguste ont été frappées en 209, année de son accession à l'Augustat au côté de son père et de son frère aîné. A l'opposé, 210 voit de nombreux deniers afficher la deuxième puissance tribunicienne (TR P II) du plus jeune des Sévère. C'est le cas sur cette monnaie que P. V. Hill place en début d'année (2ème émission du règne conjoint des trois Augustes). On remarquera que la titulature de Géta, contrairement à son père (SEVERVS PIVS AVG) et à son frère (ANTONINVS PIVS AVG) pour la même période, est plus complexe: IMP CAES P SEPT GETA PIVS AVG. On y fait encore mention de son nom complet avec prénom et surnom (P[VBLIVS] SEPT[IMIVS] GETA), ainsi que de son titre de César (CAES) alors qu'il vient d'être nommé Auguste (AVG). Enfin, le titre d'Imperator (IMP) est aussi mentionné alors qu'il ne l'est plus pour cause de paix, pour les autres Augustes depuis de nombreuses années. La campagne britannique en cours explique certainement cela, un commandement d'unités militaires étant certainement accordé au jeune homme. Cette titulature se poursuit au revers avec mention du pontificat (PONT), très employé par le jeune prince sur son monnayage, et de son deuxième consulat (COS II), charge qu'il a portée en 208.
 

n°G37

Dénomination: Denier

Empereur: Géta

Avers: IMP CAES P SEPT - GETA PIVS AVG - Tête laurée à droite.

Revers: PONTIF TR P II COS II - Felicitas debout de face, tête à gauche, tenant dans sa main droite, une corne d'abondance et de la gauche, un caducée long.

Atelier (année de frappe): Rome (210) 

Références: RSC 137 (50£) - RIC 69a (C) - BMC G40-2 - Hill 1084 (S) - BnF 7066

Caractéristiques: Argent, 19mm, 3.56g, 12h - Ex. HD Rauch Sommer Auktion 2011 n°839.

Commentaire:

Même si la légende n'est pas explicite, c'est Felicitas (la Félicité, le Bonheur) qui orne le revers de ce denier. C'est une personnification très en vogue au troisième siècle, considéré par les Romains comme l'aube d'un nouvel âge d'or. En effet, pas moins de 27 empereurs de ce siècle utiliseront cette dénomination sur leurs monnaies! Felicitas porte dans ses mains ses deux attributs principaux. Contrairement à d'autres monnaies de Géta où le caducée est court, on remarquera ici un caducée long. Cette combinaison, caducée long et cornucopiae, est abondamment reprise par Macrin, Gordien III ou Philippe I, mais les attributs sont dans les mains opposées (type f1A,E/24 selon la typologie de F. Schmidt-Dick). En effet, peut-être pour des raisons esthétiques, la corne d'abondance est représentée dans la main droite, près du corps quand le personnage est tournée vers la gauche. Ici, c'est le contraire (type f1A/27) et c'est une nouveauté introduite sur les monnaies de Géta. Seul Diaduménien, un autre jeune empereur, reprendra cette disposition.
Felicitas forme avec Pax, Securitas et Salus le noyau des personnifications bénéfiques utilisées par les empereurs pour glorifier la prospérité de leur règne. Introduite par Galba et très proche iconographiquement de Pax, Felicitas symbolisait alors le bonheur retrouvé après les guerres civiles. Géta reprendra cette personnification à de nombreuses reprises et en combinaison avec de nombreuses légendes: FELIVITAS AVGG, PVBLICA ou TEMPOR. L'âge d'or arrivait assurément avec le règne des Sévères.

dimanche 24 juin 2012

Caracalla sacrifiant pour ses décennales (Rome, 202 et 206)

En 198, Caracalla est nommé Auguste par son père. Selon Hill, des voeux pour les dix années à venir (VOTA SVSCEPTA X) sont commémorés en 202 et 206. En 202, on trouve effectivement des deniers avec la légende VOT SVSC DEC PON TR P V COS. Caracalla a encore l'allure juvénile (il n'a que 14 ans) et l'avers de la monnaie arbore un buste drapé. Les dix ans de règne sont abrégés en DEC. Le revers mentionne le pontificat et le consulat qu'il revêt en cette année 202. La monnaie est parfaitement datée par la cinquième puissance tribunicienne. Quelques années plus tard, un autre denier est émis pour les voeux. L'enfant a grandi et est maintenant un jeune homme. A l'image de son père, il est représenté sans draperie au droit de la monnaie, mais la légende est la même, celle qui est active de 201 à 210, ANTONINVS PIVS AVG. Le type de revers est lui aussi identique, l'empereur voilé sacrifiant, mais cette fois la monnaie n'est plus datée, seule la mention des voeux VOTA SVSCEPTA X est maintenue, non plus abrégé mais en toutes lettres, le nombre des années étant cette fois noté sous forme de chiffre. Cependant, l'existence d'un buste drapé pour ce même type monétaire prouve que la monnaie date de 206. En effet, c'est cette année-là que la transition de buste s'opère pour le jeune Auguste. Il ne reste donc plus que deux ans avant l'accomplissement des décennales...


n° C103



n° C111

Dénomination: Denier

Empereur: Caracalla

Avers: ANTONINVS - PIVS AVG - C 103: Buste drapé, lauré à droite ; C111: Tête laurée à droite.

Revers: C103: VOT SVSC DEC - PON TR P V COS ; C111: VOTA SVS-CEPTA X - Caracalla, voilé, debout de face, tête à gauche, sacrifiant à l'aide d'une patère au-dessus d'un trépied allumé et tenant un rouleau de la main gauche.

Atelier (année de frappe): C103: Rome (202) ; C111: Rome (206)

Références: C103: RSC 686 (40£) - RIC 68 (S) - BMC S396-7 - Hill 552 (R) - BnF 6981 (+1ex. sans n°) ; C111: RSC 689 (25£) - RIC 179 (S) - BMC S524-6 - Hill 821 (C2) - BnF 6982;244

Caractéristiques: C103: Argent, 19mm, 3.4g, 6h - Ex. Creusy ; C111: Argent, 20mm, 3.8g, 6h - Ex. Creusy.

Commentaire:
Le voeu est un contrat conclu entre un homme et une divinité. A cette occasion (ici pour les décennales à venir), un sacrifice était dû.
La représentation de l'empereur sacrifiant répond à un canon que l'on retrouve sur des bas-reliefs, statues etc. D'un seul coup d'oeil on reconnait l'action, même si, ici, le terme VOTA appuie l'image. L'empereur qui est aussi prêtre (pontife) est voilé (sa toge de citoyen est drapée afin de recouvrir sa tête et libérer le bras) comme l'impose le rite romain. Il tient en main une patère et effectue une libation au-dessus d'un trépied allumé. Son geste est celui d'une offrande (encens et vin) faite aux dieux. Le trépied devant lui contient un foyer qui sert donc à transmettre cette offrande à la divinité. Sur le bas-relief ci-dessous (face interne de l'arc des changeurs sur le Vélabre), on voit le jeune Caracalla effectuant un sacrifice, très certainement lors des Jeux Séculaires de 204. Il suit le rite grec (sa tête n'est pas couverte) et comme sur la monnaie, il tient en main un rouleau ainsi que la patère au-dessus d'un trépied où un feu est allumé.



Caracalla effectuant une libation au-dessus d'un autel portatif (Arc des changeurs, Rome).

lundi 7 mai 2012

Bacchus sur un denier de Septime Sévère (Rome, 194)

Il n'y a pas de référence à la puissance tribunicienne sur ce denier et pourtant il est datable presque encore plus précisément que si elle était présente. En effet, la présence de TR P sur une monnaie de Septime Sévère est la garantie de dater une monnaie à l'année près, car ce dernier revêtait la puissance tribunicienne au 1er janvier de chaque année. Ici, point de TR P, mais IMP III, on note ainsi que l'empereur est salué pour la troisième fois imperator. Cette acclamation impériale semble intervenir au cours du mois de janvier 194 à la suite des victoires des légions de Septime Sévère sur celles de son rival Pescennius Niger. Au revers apparaît Liber, autre nom de Bacchus, un des dieux protecteurs, avec Hercule, de Septime Sévère et de sa ville natale Lepcis Magna.



n° S96

Dénomination: Denier

Empereur: Septime Sévère

Avers: L - SEPT SEV PE-RT AVG IMP III - Tête laurée à droite.

Revers: LIBERO - PATRI - Liber debout de face, tête à gauche, une peau sur l'épaule gauche, tenant un thyrse de la main gauche et une oenochoé de la droite ; à gauche, une panthère se tenant à gauche, tête tournée vers l'arrière essayant d'attraper des gouttes s'échappant du récipient. 

Atelier (année de frappe): Rome (194)

Références: RSC 301 (25£) - RIC 32 (S) - BMC W64-6 - Hill 84 (S) - BnF 6382

Caractéristiques: Argent, 18mm, 2.69g, 12h - Ex. CGB.

Commentaire:
Liber Pater, dieu italique assimilé à Bacchus, est l'équivalent du dieu tutélaire punique Shadrapa. A côté du Capitole de Lepcis Magna, un temple s'élevait, consacré à la fois à Hercule et à Liber. La légende de ce denier, sous forme de dédicace est explicite, LIBERO PATRI: à Liber Pater. La représentation est canonique, le dieu de la vigne et du vin est nu (sauf une peau sans doute de léopard sur l'épaule et il porte cerainement sur la tête une couronne de pampres) et porte ses attributs, le thyrse et l'oenochoé. Le thyrse est un bâton à l'image d'un sceptre long recouvert de lierre ou de vigne et surmonté aux extrémités par une pomme de pin. L'oenochoé est un pichet servant au service du vin, ce dernier était puisé au cratère (un autre vase) où il avait été mêlé à l'eau. Enfin, le jeune dieu est accompagné de son animal fétiche, une panthère. Elle tire parfois le char du dieu, mais boit ici directement le vin qui s'écoule du récipient. Cette représentation est encore visible sur des statues comme celle ci-dessous du Musée du Vatican.


Statue de Bacchus portant ses attributs et accompagné d'une panthère (Musée Chiaramonti, Vatican)

Les deux dieux spécialement honorés à Lepcis Magna, Hercule et Liber auront une place particulière lors de la célébration des Jeux Séculaires en 204. Hercule sera adopté comme dieu protecteur par le fils aîné de Sévère, Caracalla, et Liber par le cadet, Géta.

dimanche 29 avril 2012

La mort de Caracalla en chemin vers le temple de Lunus à Carrhes - Antoninien frappé à Rome (215)

Hérodien et l'Histoire Auguste mentionnent la volonté de Caracalla lors de la campagne parthique en 217 sur le chemin d'Edesse à Carrhes, de rendre visite au temple de la Lune (σελήνης) pour l'historien grec ou du dieu Lunus pour l'auteur de la vie de Caracalla. La ville de Carrhes (ou Carrhae) en Mésopotamie est le lieu de la fameuse défaite Crassus en 53 av. J.-C. Elle possédait un temple très ancien dédié à un dieu devin (mantique): Lunus, dieu masculin lunaire sans doute le dieu sémite Sin. Les Grecs et à leur suite les Romains ont féminisé ce dieu afin de l'intégrer à leur propre panthéon (Séléné, Luna). Voici ce qu'en dit d'ailleurs l'Histoire Auguste:
"Puisque nous avons fait mention du dieu Lunus, nous devons ajouter que tous les savants ont écrit, et que les habitants de Carres surtout ont encore aujourd’hui la conviction, que ceux qui croient devoir honorer la Lune comme une déesse et lui donner un nom qui suppose ce sexe, sont à jamais les esclaves des femmes; tandis que celui qui lui offre son culte comme à un dieu, et lui en donne le nom, se fait toujours obéir des femmes, et n’a rien à craindre des pièges qu’elles peuvent lui tendre. De là vient que les Grecs et les Égyptiens, tout en désignant par un nom féminin la Lune, comme si elle était une déesse, ont soin cependant de l’appeler dieu dans leur langue sacrée."
L'antoninien présenté ici porte à son revers une rare représentation de Luna dans un bige de taureaux.


n° C104 

Dénomination: Antoninien

Empereur: Caracalla

Avers: ANTONINVS PIVS AVG GERM - Buste radié, drapé et cuirassé, vu de l'avant.

Revers: P M TR P XVIII COS III P P - Luna, un croissant sur la tête et l'écharpe flottante, dans un bige de taureaux courant à gauche.

Atelier (année de frappe): Rome (215)

Références: RSC 294a (75£) - RIC 256c (S) - BMC 120 - Hill 1466 (R2) - BnF /.

Caractéristiques: Argent, 22mm, 4.8g, 12h - Ex. Parsy.

Commentaire:

Le fait que Caracalla allait au temple de Lunus, dieu qui prédit l'avenir, a certainement précipité le complot ourdi par Macrin pour assassiner l'empereur. Le 8 avril 217, lors d'une halte sur le chemin vers le temple, un de ses gardes du corps, Martial, le poignarde à mort.
Voici comment Hérodien relate l'assassinat de Caracalla: "il y avait parmi les gardes d'Antonin un centurion nommé Martial, qui accompagnait toujours le prince, et dont celui-ci, peu de jours auparavant, avait fait périr le frère, sur la foi d'une simple dénonciation. Il traitait Martial lui-même outrageusement, l'appelant lâche, efféminé, et digne ami de Macrin. Ce dernier n'ignorait pas le double ressentiment que la mort d'un frère et des insultes personnelles avaient allumé dans le cœur de Martial : il le fait venir, et, comptant sur son zèle depuis longtemps à l'épreuve, et surtout sur le souvenir de nombreux bienfaits, il lui propose de saisir la première occasion pour assassiner Antonin. Martial, séduit par les promesses de Macrin, entraîné par son propre ressentiment contre l'empereur, et par le désir aveugle de venger son malheureux frère, s'engage sans délibérer à saisir la première circonstance pour tout oser.
Peu de temps après cette entrevue, Antonin qui se trouvait à Carrhes, ville de Mésopotamie, eut envie d'aller visiter le temple de la Lune, divinité que les habitants honorent du culte le plus respectueux. Ce temple était assez éloigné de la ville pour que le trajet fût presque un voyage; aussi Antonin, pour en épargner la fatigue à toute son armée, ne prit-il pour escorte qu'un petit nombre de cavaliers, se proposant d'ailleurs de revenir après avoir sacrifié à la déesse. Au milieu du chemin, se sentant pressé d'un besoin, il quitte sa suite, et, accompagné d'un seul de ses gens, il veut le satisfaire. Alors Martial, qui épiait sans cesse l'instant favorable, voyant l'escorte rangée à l'écart loin de l'empereur, par respect pour la bienséance, et l'empereur seul, court vers lui comme s'il en eût été appelé du geste ou de la voix, et au moment où le prince avait le dos tourné et détachait ses vêtements, il le frappe à la gorge d'un poignard qu'il tenait caché dans ses mains. La blessure était mortelle, et Antonin tomba mort à l'instant sans pouvoir se défendre."
Sur la monnaie ci-dessous, on peut voir une représentation du temple de Lunus avec au centre, sur un tripode, un bétyle conique surmonté d'un croissant de lune. D'autres croissants ornent le fronton du temple ainsi que des étendards de part et d'autre de la pierre sacrée.


Revers d'une monnaie de Septime Sévère frappée à Carrhes (http://www.arminius-numismatics.com/)