samedi 28 novembre 2009

Une représentation inspirée de la statuaire archaïque grecque - Denier de Caracalla (Laodicée, 199)

C'est Claude, le quatrième empereur, qui introduit la personnification de l'Espérance sur les monnaies. Elle est représentée tenant une fleur et relevant le pan de sa robe. La fleur symbolise l'espérance du fruit à venir et c'est pourquoi elle apparaît souvent sur les monnaies des Césars, les héritiers dont le règne à venir est plein d'espoir. Ce qui est remarquable, c'est que sa représentation, abondante dans le monnayage romain, reste cohérente durant trois siècles. Elle est figée dans une attitude archaïque et reprend le type de la statuaire grecque de la Corè. Un temple devait lui être dédié à Rome vers le "marché aux légumes", le forum olitorium.



n°C37

Dénomination: Denier

Empereur: Caracalla

Avers: IMP CAE M AVR ANT AVG P TR P II - Buste lauré, drapé à droite.

Revers: SPES PV-BLICA - Spes marchant à gauche, tenant une fleur de la main droite et relevant sa robe de la gauche.

Atelier (année de frappe): Laodicée (199)

Références: RSC 600 (25£) - RIC 341a (S) - BMC 697-8

Caractéristiques: Argent, 17 mm, 3.46 g, 12 h.

Note: La légende d'avers n'est active qu'en 199, car elle fait référence à la deuxième puissance tribunicienne. Ce type existe avec d'autres légendes d'avers datée (198) ou non datée (198-199) à Rome et Laodicée. 



Commentaire:

Le jeune Prince, il a autour de 10 ans, est ici désigné comme l'espoir de l'Empire. Il est depuis peu Auguste, donc théoriquement co-dirige ces immenses territoires avec son père. Il est donc tout naturel, qu'au commencement du règne de Caracalla, des monnaies à l'effigie de l'Espérance soient frappées. En réalité, c'est bien sûr Septime Sévère qui assure le pouvoir, mais il a voulu très tôt associé ses enfants afin de bâtir une nouvelle dynastie à l'image des Antonins.
La représentation du revers fait immanquablement penser à certaines statues archaïques grecques, sytèles funéraires ou statuettes en argile.


Corè corinthienne, fin du VIè siècle avant J.-C. - (Musée du Louvre - Paris) Copyright Musée du Louvre



Fragment de stèle dit "l'exaltation de la fleur", vers 470-460 av.J.-C. (Musée du Louvre - Paris)

samedi 21 novembre 2009

L'Empereur s'en va-t-en guerre - Denier de Septime Sévère (Laodicée, 197)

La profectio est le départ de l'empereur de la Ville. Il est à cheval tourné vers la droite (pour le retour, il est généralement vers la gauche), sa lance est pointée vers l'avant, car c'est un départ vers la guerre. Ce denier a été frappé à Laodicée au moment du lancement de la campagne parthique en 197. Voilà comment l'Histoire Auguste relate le départ de Sévère de Rome: Profectus dehinc ad bellum Parthicum est edito gladiatorio munere et congiario populo dato, "puis il partit pour la guerre contre les Parthes, après avoir donné un spectacle de gladiateurs et fait au peuple une distribution d'argent".


n°S55

Dénomination: Denier

Empereur: Septime Sévère

Avers: L SEPT SEV PERT - AVG IMP VIIII - Tête laurée à droite.

Revers: PROFEC-TIO AVG - Septime Sévère en habit militaire, à cheval passant à droite, tenant de la main droite une haste vers l'avant.

Atelier (année de frappe): Laodicée (197)

Références: RSC 580 (45£) - RIC 494 (S) - BMC W466-7 - BnF 6499

Caractéristiques: Argent, 18 mm, 3 g, 12 h. - Ex. Poinsignon

Commentaire:

A l'avers, la titulature porte mention de la VIIIIème acclamation impériale reçue en 197 après la défaite de Clodius Albinus à Lyon le 17 février. Le style du portrait est celui de Laodicée. Il fait partie du "nouveau style", même s'il n'a pas encore les caractéristiques des dernières émissions de cet atelier.
On peut se poser la question si ce départ est celui de Rome, dans ce cas la monnaie de Laodicée copie celle de l'atelier romain émise en 197. Si l'empereur est passé par Laodicée sur sa route vers la Mésopotamie, il peut alors s'agir du départ de cette cité syrienne afin de commémorer cet événement.

jeudi 12 novembre 2009

Un Mars pacifique sur un denier de Caracalla (Rome, 205)

Mars peut revêtir différentes formes en fonction de son attitude et de ses attributs: vengeur, victorieux ou protecteur (par les armes). Le sens est parfois accentué par l'épithète de la légende. Nous avons ici un dieu pacificateur, ce qui est plutôt étonnant si on connait les histoires de la mythologie impliquant Mars. En fait sur le monnayage et dans la religion romaine, la personnalité du dieu est parfois éloignée des histoires légendaires.
Regardons de plus près ce revers. La guerre est terminée, le dieu a le pied sur le casque de l'ennemi vaincu et la haste, cette longue lance, est ici renversée. Ainsi, elle n'a pas une attitude agressive et Mars a donc apporté la paix par la guerre. On pourrait illustrer cette symbolique en retournant le célèbre proverbe latin si vis pacem para bellum, "si tu veux la paix prépare-toi à la guerre": c'est par ce qu'il y a eu la guerre que maintenant il y a la paix. Enfin, le rameau que tient Mars à la main est un des symboles de la personnification de la paix: Pax.


n°C34

Dénomination: Denier

Empereur: Caracalla

Avers: ANTONINVS - PIVS AVG - Buste lauré, drapé à droite.

Revers: PONTIF TR P - VIII COS II - Mars nu, l'épaule gauche couverte d'un manteau, debout à gauche, posant le pied sur un casque, et tenant un rameau de la main droite et une haste renversée de la gauche.

Atelier (année de frappe): Rome (205)

Références: RSC 420a (25£) - RIC 80b (C) - BMC S481 - Hill 729 (C2) - BnF 6875

Caractéristiques: Argent, 18 mm, 3.43 g, 12 h.

Note: Le portrait de Caracalla n'est plus tout à fait enfantin, en 205 c'est un jeune homme de 17 ans. 

Commentaire:

A Rome, le principal temple dédié à Mars était le temple de Mars Ultor dédié en 2 av. J.-C. par Auguste en commémoration de la bataille de Philippes. Situé sur le forum du premier empereur, il avait huit colonnes corinthiennes en façade, mais il n'en reste plus que trois complètes, hautes de 17.70m, sur le côté droit. Dans la cella, la statue de Mars était conservée avec celles de Vénus et du Divin César. Ce temple est donc très liée à la famille julio-claudienne, Vénus étant son ancêtre légendaire. Il faut mentionner également que le temple du dieu guerrier conservait aussi une relique: l'épée de César ainsi que des enseignes prises aux ennemis. Enfin, les jeunes hommes de la famille impériale y recevait la toge virile, entièrement blanche après avoir porté durant leur enfance la toge prétexte qui est aussi celle des magistrats et qui est ornée d'une bande de pourpre. Ce rite de passage intervenait après 16 ans et donc Caracalla, représenté sur ce denier, devait l'avoir revêtue peu de temps avant la frappe de ce denier.



Podium du temple de Mars Ultor - Forum d'Auguste (Rome)




Colonnes du côté droit du temple de Mars Ultor - Forum d'Auguste (Rome)

mercredi 11 novembre 2009

Un antoninien de restitution pour Septime Sévère émis par Trajan Dèce

A la mort de Septime Sévère en 211, ses fils émettent des aurei, deniers et sesterces de consécration (CONSECRATIO) avec les légendes DIVO SEVERO PIO et DIVO SEPTIMIO SEVERO PIO. L'antoninien, dénomination introduite par Caracalla en 215 n'existait donc pas encore. Et pourtant il existe des antoniniens avec le portrait radié de Septime Sévère! Ils font partie de la série dite des "Divi" de Trajan Dèce émise en 250 afin de restituer les "bons" empereurs. Il existe deux types de revers avec toujours la légende CONSECRATIO: l'aigle ou l'autel.

n°S47

Dénomination: Antoninien

Empereur: Trajan Dèce

Avers: DIVO SEVERO - Tête radiée de Septime Sévère à droite.

Revers: CONSECRATIO - Aigle sur le sol, les ailes déployées, debout de face, incliné vers la droite, la tête vers la gauche.

Atelier (année de frappe): Milan (250)

Références: RSC 799 (70£) - RIC (Trajan Dèce) 95 (R2)

Caractéristiques: Argent, 22 mm, 4.5 g, 6 h. - Ex. Dumez

Note: La légende d'avers de la série des "Divi" est toujours au datif avec DIVO suivi du nom de l'empereur. Le portrait est nu comme souvent sur les monnaies de consécration, alors que les antoniniens d'empereurs en exercice sont souvent drapés, cuirassés etc. Au revers, l'aigle représente l'âme du divin empereur qui est monté rejoindre les dieux au ciel.


Commentaire:
En 250, Trajan Dèce dont la politique est axée sur le retour aux valeurs du passé, émet une série d'antoniniens de restitution. Il promulgue aussi un édit rendant le culte impérial obligatoire. A travers son émission monétaire, il entend ainsi honorer certains empereurs du passé (essentiellement des Ier et IIè siècles). Certains auteurs attribuent cette série à d'autres empereurs de Philippe à Gallien. Aujourd'hui, il est clair que c'est sous Trajan Dèce en 250 que ces antoniniens ont commencé à être émis, mais il est très probable que cela se soit poursuivi sous son successeur Trébonien Galle en 251. La série est attribuée traditionnellement à l'atelier Milan, mais certains la replacent à Rome.On ne s'étonnera pas de l'absence d'empereurs éphémères ou de "tyrans" dans cette série: Caligula, Néron, Domitien, les empereurs des guerres civiles de 68 et de 193 ou Caracalla. Par contre, on s'étonnera plus de l'absence de Claude, de Lucius Verus ou Jules César initiateur du nouveau régime. Enfin, la présence de Commode est elle aussi curieuse, mais il semble que la réhabilitation de Septime Sévère l'ait emporté sur la damnatio memoriae de 193.
Pour plus de détails sur cette intéressante émission monétaire, je vous invite à consulter le site de Joaquim Blay qui recense quasiment toutes les monnaies connues à l'heure actuelle. En particulier, il indique les liaisons de coins entre tous les exemplaires. L'exemplaire n°S47 présenté ici porte le n° de coin d'avers SE11 qu'il partage avec trois autres antoniniens (tous 3 avec l'aigle au revers) et le n° de coin de revers A049 qu'il ne partage qu'avec 2 autres monnaies: une autre pour Sévère (coin SE03) et une pour Nerva. 

samedi 7 novembre 2009

Une imitation et son modèle: la Providence sur un denier de Septime Sévère

Il y a d'un côté les émissions officielles et de l'autre les imitations. Ces dernières revêtent différentes réalités suivant leur finalité. Il y a d'un côté les faux pour servir, c'est-à-dire des monnaies destinées à tromper sciemment l'Etat et les usagers et à s'enrichir avec cette fausse monnaie. Ces espèces ne respectent généralement pas le poids officiel et en particulier le titre de métal précieux. Les monnaies sont alors souvent fourrées, c'est-à-dire qu'elles contiennent un noyau de métal vil entouré de métal fin (l'argent pour les deniers). Mais il y a aussi les imitations proprement dites et qui ne servent pas à tromper, mais plutôt à pallier les carences du pouvoir central en des périodes où l'approvisionnement en monnaies officielles se fait difficilement. Ce sont des monnaies dites de nécessité, souvent coulées dans des moules et qui utilisent des types existants, mais elles peuvent aussi être frappées. Dans ce cas, il faut graver un coin et le style souvent fruste montre clairement qu'il ne s'agit pas de faux qui auraient été immédiatement repérés et rejetés, mais des monnaies de nécessité. Dans les provinces éloignées ou chez certains peuples à la périphérie de l'Empire, le monnayage officiel peut aussi s'inspirer de monnaies romaines. On remarque très souvent dans ce cas une non-maîtrise de la langue latine et des symboles habituellement utilisés.

n°S3


n°S43

Dénomination: Denier

Empereur: Septime Sévère

Avers: SEVERVS AVG - PART MAX pour S3 ; L SEPT SEV PEET - AVG IMP VII pour S43 - Tête laurée à droite. 

Revers: S3: PROVID - AVGG - Providentia debout à gauche, tenant une baguette de la main droite et un sceptre de la gauche ; à ses pieds, un globe. S43: PRVIIC - AVCC - Même description que pour S3, mais sans le globe.

Atelier (année de frappe): Rome (200) pour S3; Frappe locale (après 200) pour S43.

Références: RSC 586 (25£) - RIC 166 (C) - BMC 197-9 - Hill 432 (C) - BnF 11043-6500 pour S3

Caractéristiques: S3: Argent, 18 mm, 3.23 g, 6 h; S43: Argent, 19 mm, 2.96 g, 5 h. - Ex. CGF Monnaies XXI n°2739

Note: L'imitation S43 n'est pas référencée. Cet exemplaire est cependant illustré au n°2739 du livre "Les monnaies romaines" de L. Schmitt.

Commentaire:
La monnaie officielle de l'atelier de Rome présentée ici a été frappée en 200 selon Hill. L'émission irrégulière qui imite ce revers, en omettant cependant le globe et en faisant des erreurs dans les légendes, possède cependant une titulature d'avers différente. En effet, le droit de cette imitation n'est pas copié du prototype romain avec sa légende active de 200 à 201, mais provient d'une émission antérieure où l'empereur fait mention de sa septième acclamation impériale (utilisée en 195-196). On pourrait alors penser que cette imitation pourrait être datée de 197. En effet, cette année-là, Septime Sévère émet une première monnaie d'argent avec la Providence au revers, mais avec la légende PROVIDENTIA AVG, c'est-à-dire la Providence de l'Auguste, Caracalla n'étant encore que César. Toutefois, notre imitation ne reprend pas ce type, mais bien le suivant en 200 avec la légende courte PROVID AVGG pour PROVIDENTIA et le pluriel pour les Augustes.