dimanche 22 janvier 2012

Un fratricide chez les Sévères: le meurtre de Géta par Caracalla

En 211, Géta et Caracalla rentrent à Rome avec les cendres de leur père Septime Sévère mort de maladie à Eboracum (actuelle York) le 4 février au cours de la campagne de Bretagne.
Sur ce denier daté de cette année-là (TR P III = troisième puissance tribunicienne), Géta arbore les titres d'Auguste (il a été promu en 209 = TR P) et de Britannicus pour les victoires romaines dans cette province du nord de l'Empire. Au revers P P pour Pater Patriae précise un peu plus la date de frappe de cette monnaie: forcément postérieure à la mort de de son père qui possédait ce titre. Il partage cet honneur d'être "Père de la Patrie" avec son frère aîné qui ne va pas tarder à se débarrasser de son cadet.


n° G34 

Dénomination: Denier

Empereur: Géta

Avers: P SEPT GETA - PIVS AVG BRIT - Tête laurée à droite.

Revers: FORT RED TR P III COS II P P - Fortuna assise à gauche, tenant un gouvernail de la main droite et une corne d'abondance de la gauche; sous le trône, une roue.

Atelier (année de frappe): Rome (211)

Références: RSC 59 (50£) - RIC 76 (C) - BMC p.421,* - Hill 1263 (R4) - BnF /

Caractéristiques: Argent, 18mm, 3.23g, 6h. ; Ex. HD Rauch Auction Numismata 2011 n°325.

Note: Précisons que ce denier est absent des deux grandes collections institutionelles que sont le British Museum et la Bibliothèque nationale de France. Il existe aussi une variante sans la roue sous le trône (BnF, Paris).

Commentaire:
Quand cette monnaie est frappée, les deux jeunes empereurs qui règnent désormais conjointement sont déjà arrivés à Rome. La Fortune est ainsi remerciée pour le retour sans encombres dans l'Urbs. Pourtant la haine entre les deux frères est trop forte. Certainement au tout début de l'année 212, Caracalla assassine son jeune frère. Les faits sont longuement relatés par Hérodien:
"Enfin, impatient de régner seul et dominé par sa violente ambition, Antonin se détermina à porter un coup décisif, funeste à son rival ou à lui-même, et à ne plus employer d'autre arme que le fer, d'autre moyen que le meurtre.
Il avait vu ses manœuvres secrètes échouer; il voulut recourir, dans l'aveuglement de son ambition, à un acte de désespoir. Il envahit soudainement la chambre de son frère, qui ne s'attendait à rien de semblable; il frappe Géta d'un coup mortel ; l'infortuné tombe et inonde de sang le sein de sa mère. Antonin, après avoir commis le crime, s'échappe aussitôt et parcourt le palais, s'écriant qu'il vient d'être préservé du plus grand péril, et qu'il n'a sauvé sa vie qu'avec peine. En même temps il ordonne à ses gardes de l'entraîner avec eux dans le camp, seule retraite, disait-il, qui pût garantir ses jours et le défendre ; car s'il restait au palais il était perdu. Les soldats ajoutent foi à sa frayeur, et, ignorant ce qui venait de se passer dans l'intérieur du palais, se précipitent sur ses pas et l'accompagnent. Le peuple, cependant, s'agite, étonné de voir l'empereur s'élancer en fuyard à travers la ville."
Dans ce récit, Caracalla tue son frère de ses propres mains, nous sommes en pleine trgédie grecque ! L'histoire est un peu différente chez Dion Cassius qui revient également longuement sur les événements. Pour lui, si Caracalla est bien le commanditaire du meurtre, il laisse à d'autres la sale besogne: "Antonin avait eu l'intention d'assassiner son frère pendant les Saturnales, mais il ne le put pas, parce que le crime aurait été trop manifeste pour être caché ; à partir de ce moment, il y eut entre eux des combats semblables à ceux de gens qui cherchent à se surprendre mutuellement, beaucoup de précautions prises pour se garantir contre son rival.
Mais, comme des soldats et des gladiateurs en grand nombre gardaient Géta nuit et jour, tant au dehors que dans sa maison, Antonin persuada à sa mère de les convoquer tous les deux, seuls, dans sa chambre, afin d'amener une réconciliation. Géta, s'étant laissé persuader par cette offre, vint avec son frère ; mais ils ne furent pas plutôt entrés qu'une troupe de centurions, apostés par Antonin, s'élança et massacra Géta qui, à leur vue, s'était réfugié auprès de sa mère, et, suspendu à son cou, attaché à sa poitrine et à son sein, poussait des cris lamentables : « Mère, ô ma mère, toi, ô toi qui m'as enfanté, viens à mon secours, on m'égorge. » Julia, ainsi abusée, eut la douleur de voir son fils tué entre ses bras par le crime le plus impie, et elle reçut, pour ainsi dire, la mort dans ces mêmes entrailles où elle lui avait donné le jour ; car, elle fut couverte tout entière de son sang, en sorte qu'elle compta pour rien une blessure qui lui avait été faite à la main."

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