dimanche 26 septembre 2010

Le retour à Rome des deux frères et un gouvernail pris pour une colonne - Denier de Caracalla (Rome, 211)

Cette monnaie s'inscrit dans la courte période du règne conjoint de Caracalla et Géta au cours de l'année 211, leur père mourant le 4 février 211 à York. Le fils cadet de Septime Sévère étant assassiné au tout début de l'année 212, cette période de règne conjoint des deux frères s'étend donc sur une période d'à peine un an. Cette monnaie célèbre le retour de Bretagne des deux frères avec les cendres de leur père.
Voici ce qu'en dit Hérodien: "Les deux frères convinrent donc de partager également les honneurs du rang suprême; ils voulurent quitter la Bretagne et partirent pour Rome, emportant les restes de leur père. Le corps du prince avait été livré aux flammes, et ses cendres avaient été renfermées avec des parfums dans une urne d'albâtre, que ses fils devaient placer à Rome dans le tombeau des empereurs. Ils se mirent à la tête de l'armée, passèrent l'Océan, et débarquèrent en triomphateurs dans les Gaules. [...] Après sa mort, ses jeunes fils partirent en toute hâte pour Rome, accompagnés de leur mère. Pendant la route, la discorde commença de nouveau à se manifester entre eux. Ils logeaient séparément, ne mangeaient jamais ensemble et se défiaient de tous les mets, de tous les breuvages. Chacun d'eux craignait d'être devancé par l'autre et de recevoir un poison des mains de son rival ou de celles d'un agent secret. Cette inquiétude même hâtait leur voyage." 
La monnaie présentée ici représente au revers Fortuna, la Fortune du Retour (FORT RED), celle du voyage sans encombre de l'île de Bretagne à Rome. La suite de l'inscription prolonge la titulature de Caracalla avec son nouveau titre de Pontife suprême (P M), sa quatorzième puissance tribunicienne (TR P XIIII) qui nous permet de dater l'émission de 211 et le titre de Père de la Patrie (P P). Les inscriptions P M et P P nous assurent que cette monnaie date d'après la mort de Septime Sévère, donc du règne conjoint de Caracalla et Géta. On ajoutera enfin que contrairement au temps de leur père, le titre de Père de la Patrie est partagé entre les deux corégnants comme indiqué par l'historien grec, mais que Caracalla en tant qu'aîné s'arroge seul le titre religieux de Pontife suprême qui ne peut être partagé.


n°C76

Dénomination: Denier

Empereur: Caracalla

Avers: ANTONINVS PIVS AVG BRIT - Tête laurée à droite.

Revers: FORT RED P M TR P XIIII COS III P P - Fortuna debout à gauche, tenant une corne d'abondance de la main droite et appuyant son bras gauche sur un gouvernail renversé, une roue à ses pieds.

Atelier (année de frappe): Rome (211)

Références: RSC 84 (30£) - RIC 189corr. (C) - BMC G1-2 - Hill 1273 (S2) - BnF 6715-6

Caractéristiques: Argent, 18mm, 3.13g, 12h. - Ex. Freeman & Sear Mail Bid Sale #17 n°479  - Ex. Collection A. Lynn - Ex. CNG eAuctions 25/02/01 n°61739

Commentaire:

La Fortune porte ici comme sur la statue du Vatican ces attributs traditionnels: corne d'abondance et gouvernail, une roue étant à ses pieds. Cette représentation précise est unique dans le monnayage romain d'Auguste à Emilien (Typenatlas de F. Schmidt-Dick). On remarquera que le gouvernail est ici porté à l'envers: l'axe touche le sol, alors que la partie qui est normalement immergée donc vers le bas, le safran, est vers le haut. L'incongruité de la position du gouvernail a d'ailleurs même entraîné Cohen à y voir une colonne dans son catalogue de 1884. Cette erreur est ensuite reprise par le RIC.


Une représentation classique d'un gouvernail portée par "La Seine" d'A. Coysevox (1706) - (Musée du Louvre - Paris)

Terminons par Hérodien qui racontre l'arrivée triomphale des deux jeunes empereurs à Rome, grâce aux bons soins de la Fortune: "A leur arrivée, le peuple alla à leur rencontre avec des branches de laurier ; le sénat leur présenta ses hommages. Les deux princes, revêtus de la pourpre impériale, ouvraient le cortège; les consuls les suivaient, portant l'urne où reposaient les restes de Sévère. On accourait pour saluer les nouveaux empereurs, et l'on s'inclinait religieusement devant l'urne funéraire. C'est dans cet appareil pompeux qu'ils la déposèrent au temple où sont placés les tombeaux de Marc-Aurèle et de ses prédécesseurs."


Le Château Saint-Ange, mausolée de Marc-Aurèle, de ses prédécesseurs et de Septime Sévère (Rome)

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